Caricom : pas question d’abandonner les réparations

Caricom : ce désagréable sentiment de piétinement

Les gouvernants des états membres de la Communauté caribéenne, dite Caricom, se sont réunis les 10 et 11 mars 2014, à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, pour leur 25e réunion internationale.

A noter que Serge Letchimy, président de la Région Martinique, faisait partie des invités. Une excellente occasion pour lui de « plaide(r) l’adhésion de la Martinique auprès de la CARICOM », selon ses propres termes.

Cependant, revenons à la nouvelle essentielle.

Comme prévu et attendu, l’un des dossiers majeurs abordés a été les poursuites en justice contre les anciennes puissances coloniales voulues par 14 pays de la Caraïbe afin d’obtenir des excuses et des réparations concernant la traite transatlantique des esclaves.

La Commission sur les réparations de la Caricom travaille sur ce dossier depuis des mois, afin d’élaborer une stratégie. Et visiblement cela a donné des résultats, puisque le 10 mars, un plan a été présenté aux gouvernants caribéens par Sir Hillary Beckles, le professeur à la tête de la Commission sur les réparations de l’institution.

A l’heure où j’écris, le communiqué officiel sur le sujet n’a pas été diffusé, mais plusieurs médias ont d’ores et déjà livré les principales informations. De plus, le cabinet d’avocats britannique Leigh Day que la Caricom a engagé pour défendre ce dossier a mis en ligne un document récapitulatif.

Le fameux plan, qui s’inscrit dans le « Caricom Reparations Justice Program » (CRJP), comprend 10 points :

1/ Des excuses formelles complètes : et il faut qu’elles soient « sincères »… 

2/ Un programme de rapatriement : il consistera à « réinstaller les personnes qui souhaitent retourner » en Afrique.

3/ Un programme de développement des peuples autochtones : objectif : avoir les moyens de « réhabiliter cette communauté ».

4/ Des institutions culturelles :

« les nations européennes ont investi dans le développement d’institutions telles que les musées et les centres de recherche afin de préparer leurs citoyens à la compréhension de ces CAH (ce sont les Crimes Against Humanity, crimes contre l’humanité) », des « institutions qui n’existent pas dans la Caraïbe ».

5/ La crise de la santé publique : pour la Commission, les Caribéens souffrent de maladies chroniques résultant de l’esclavage, l’Europe a donc « la responsabilité de participer à la réduction de cette catastrophe ».

6/ L’éradication de l’analphabétisme :

« A la fin de la période coloniale européenne dans la plupart des régions des Caraïbes, les Britanniques en particulier ont laissé les communautés noires et autochtones dans un état général d’analphabétisme ».

7/ Le programme des connaissances africaines : « Un programme d’action est nécessaire pour construire des ‘ponts d’appartenance’ ».

8/ La réadaptation psychologique : un aspect indispensable pour « guérir et réparer ».

9/ Un transfert de technologie :

« Des générations de jeunes des Caraïbes (..) se sont vus refuser l’adhésion et l’accès à la culture de la science et de la technologie qui est le patrimoine de la jeunesse du monde. Le transfert de technologie et le partage de la science pour le développement doivent faire partie de la CRJP. »

10/ L’annulation de la dette : « Du soutien pour le paiement de la dette intérieure et l’annulation de la dette internationale sont des actions réparatrices nécessaires ».

Bien sûr, le document expose des explications détaillées pour chaque point. J’ai présenté ce que je considère être les éléments principaux. A noter que les phrases en italiques sont celles que j’ai tirées et traduites de ce document.

Au sortir de la réunion de présentation, Ralph Gonsalves, l’actuel président de la Caricom, semblait satisfait, vu ses commentaires rapportés par Jamaica Observer. Il a notamment qualifié le plan de « sérieux ». Il a aussi annoncé qu’une « conversation mature avec les Européens » (il parle bien sûr des nations européennes concernées par le dossier) pourrait avoir lieu en juin prochain. Et seulement ensuite, il y aurait sans doute une demande formelle.

« Ces choses-là ne viennent jamais facilement, mais il y a 14 pays souverains représentant 16 millions de personnes avec une énorme diaspora aux États-Unis, au Canada, en Europe. Je pense que nous avons une certaine influence. Je suis satisfait et nous sommes convaincus que nous avons la loi de notre côté, et que nous avons les actes de notre côté. » – Ralph Gonsalves, le 10 mars, cité par Jamaica Observer (traduction personnelle)

Concernant la rencontre en préparation, Martyn Day, du cabinet Leigh Day, en a dit un peu plus :

« Une conférence à Londres entre les représentants de la CARICOM et les nations ayant pratiqué la traite d’esclaves, comprenant les gouvernements des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la France, ainsi que potentiellement d’autres pays qui ont profité de la traite négrière, va permettre à nos clients d’évaluer rapidement si oui ou non leurs préoccupations sont pris au sérieux. » (traduction personnelle)

Si vous désirez obtenir plus d’informations sur le sujet, je vous invite à consulter cet intéressant dossier (certes en anglais) du Daily Mail.

Billet publié le 11 mars 2014 sur mon précédent blog. 

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