Nayib Bukele fait partie des gouvernants de la Grande Caraïbe qui font très souvent parler, en bien ou en mal. A nouveau, il est dans l’actualité, et pour une raison très importante.
Le Salvador vient de franchir un tournant majeur de son histoire politique. Le 30 juillet 2025, l’Assemblée législative, largement dominée par le parti du président Nayib Bukele, a approuvé une réforme constitutionnelle ouvrant la voie à une réélection présidentielle illimitée. Une décision qui suscite des applaudissements fervents chez certains, mais aussi de vives inquiétudes démocratiques.
En effet, si rien ne vient entraver ce projet, Nayib Bukele pourrait se maintenir à la tête de l’État pour plusieurs décennies. Le Salvador devient ainsi l’un des rares pays du continent à officialiser la réélection à vie, aux côtés du Nicaragua ou du Venezuela.
Une réforme sans précédent
La nouvelle disposition permet au président d’être réélu autant de fois qu’il le souhaite, en rompant définitivement avec la tradition constitutionnelle salvadorienne qui limitait à un seul renouvellement non consécutif.
Cette réforme allonge également le mandat présidentiel, qui passe de cinq à six ans.
Elle supprime le mécanisme de « seconde chance électorale » (permettant aux partis n’ayant pas atteint le seuil requis de se maintenir au second tour). En pratique, ces mesures renforcent considérablement le pouvoir en place.
Un vote quasi unanime au parlement
Sur les 60 députés que compte l’Assemblée, 57 ont voté en faveur de la réforme.
Proposée par la députée Ana Figueroa, proche de Bukele, la réforme constitutionnelle a été justifiée par le souci de « simplification électorale » et d’« efficacité démocratique ». Elle prévoit également l’unification des élections législatives et présidentielles dès 2027, ce qui écourterait d’un an le second mandat de Bukele… pour mieux enchaîner sur le suivant ?
Une démocratie à l’épreuve
Cette réforme s’inscrit dans une dynamique amorcée depuis plusieurs années : dissolution de la Cour constitutionnelle en 2021, réduction du nombre de députés, centralisation du pouvoir, affaiblissement de la presse indépendante et des contre-pouvoirs. Si la popularité de Bukele demeure élevée, notamment grâce à sa lutte contre les gangs, plusieurs organisations – dont Human Rights Watch – alertent sur une dérive autoritaire du régime, évoquant une « vénézuélisation » progressive du Salvador.
Une popularité au service d’un projet personnel ?
L’argument central du camp Bukele est simple : pourquoi empêcher le peuple de réélire celui qu’il plébiscite ?
Cependant, cette logique, souvent employée par des régimes autoritaires, interroge sur la séparation des pouvoirs, le renouvellement démocratique et la place de l’opposition. À terme, cette réforme pourrait sceller la transformation du Salvador en un régime présidentialiste sans réel contrepoids.