Avec Donald Trump, une Grande Caraïbe fragmentée et très surveillée en 2025

En 2025, le retour de Donald Trump à la tête des Etats-Unis a redonné à la Grande Caraïbe un rôle stratégique central. Le président américain a mené une politique qui a transformé la région en un terrain de tensions géopolitiques intenses, mêlant sécurité, diplomatie et pression sur des régimes considérés comme hostiles.

1. Un retournement politique et stratégique vers l’hémisphère occidental
Trump a réaffirmé une doctrine très marquée « America First » appliquée à l’Amérique latine et aux Caraïbes, avec une rhétorique de « contrôle » hémisphérique proche d’une version modernisée de la doctrine Monroe. Cette approche met l’accent sur la sécurité régionale, la lutte contre le narcotrafic et surtout la pression sur le Venezuela considéré comme une menace politique et stratégique.

2. Explosion des pressions militaires dans la région
Les États-Unis ont massivement renforcé leurs moyens militaires en mer des Caraïbes cette année, avec :

  • la remise en service de la base de Roosevelt Roads à Porto Rico comme hub stratégique.
  • déploiements navals, frappes aériennes contre des bateaux qualifiés de narcotrafiquants et renforcement des forces spéciales dans la région.

C’est loin d’être une simple coopération policière : plusieurs gouvernements parlent d’une militarisation accrue de la zone et des risques d’escalade.

3. Tensions vives avec le Venezuela
La crise la plus explosive reste celle entre Washington et Caracas. L’administration Trump a mené ou autorisé des attaques contre des navires dans la Caraïbe et évoqué la possibilité d’opérations plus larges contre le gouvernement de Nicolás Maduro. Le Venezuela a fermement rejeté ces actions, et la Russie a même qualifié la posture américaine de « piraterie ».

4. Impact politique direct
Au-delà de la sécurité, il y a des décisions qui touchent l’économie et la mobilité :

  • restrictions de voyage élargies aux citoyens de certains pays caribéens, ce qui inquiète les milieux du tourisme et du travail transfrontalier dans la région.
  • coopération militaire accrue avec certaines îles (comme Trinidad-and-Tobago), perçue comme un allié stratégique face au Venezuela, mais qui crée aussi des divisions régionales.

5. Réactions régionales contrastées
Les gouvernements caribéens ne sont pas tous sur la même longueur d’onde :

  • certains jouent le jeu de la coopération sécuritaire avec Washington,
  • d’autres dénoncent une ingérence ou craignent que les actions américaines déstabilisent encore plus la région.

Une Caraïbe fragmentée par statuts et intérêts

Les pays et territoires ne sont pas traités de la même manière, mais aucun n’échappe à cette relecture brutale des rapports de force.

La première réalité, souvent oubliée, tient au statut très hétérogène des territoires caribéens.

  • Territoires américains : Porto Rico, Îles Vierges américaines : ils servent de bases logistiques, militaires et de surveillance. Aucun débat possible sur leur alignement.
  • Territoires européens : Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Guyane, Aruba, Curaçao, Bonaire, Saba, Saint-Eustache, Sint Maarten, Bermudes, Anguilla, Montserrat, Îles Caïmans, Îles Turques-et-Caïques, Îles Vierges britanniques : Washington les considère comme des espaces indirectement occidentaux, mais surveille de près ports, flux financiers, coopération sécuritaire et migrations.
  • États souverains : de Bahamas à Trinidad-and-Tobago, de Belize à Suriname, ce sont eux qui subissent le plus directement les arbitrages trumpiens.

Le camp du pragmatisme sécuritaire

Certains pays choisissent de composer avec Washington, par nécessité économique ou géographique.

  • Bahamas, Jamaïque, République dominicaine, Trinidad-and-Tobago, Belize : coopération active sur le narcotrafic, la surveillance maritime et la migration. Les États-Unis restent le premier partenaire touristique, commercial ou sécuritaire.
  • Antigua-et-Barbuda, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-and-Nevis, Grenade : États très dépendants de l’aide extérieure. La relation avec Washington est prudente, souvent bilatérale, rarement conflictuelle.

Dans ces pays, l’idée domine que mieux vaut coopérer que subir.

Les États souverainistes et critiques

D’autres gouvernements dénoncent une politique américaine jugée déstabilisatrice et archaïque.

  • Barbade, sous l’impulsion de Mia Amor Mottley, plaide pour une Caraïbe autonome, centrée sur le climat, la dette et la justice économique.
  • Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Dominique, Suriname défendent le non-alignement et la médiation régionale.
  • Guyana, malgré sa coopération énergétique avec les États-Unis, avance avec prudence, consciente des tensions régionales.

Ces pays redoutent que la Caraïbe redevienne un théâtre de confrontation géopolitique.

Le triangle continental : Colombie, Amérique centrale, Mexique

Trois blocs continentaux pèsent lourd dans la vision trumpienne.

  • Colombie, Costa Rica, Panama : alliés opérationnels sur la sécurité et la logistique. Le canal de Panama reste un point névralgique sous surveillance étroite.
  • Guatemala, Honduras, Nicaragua, Le Salvador : lecture sécuritaire et migratoire avant tout. Coopération conditionnelle, pressions constantes.
  • Mexique : partenaire indispensable, relation dure. Migration, narcotrafic et influence régionale structurent une relation conflictuelle mais incontournable.

Cuba et Venezuela : les lignes rouges idéologiques

Deux pays cristallisent la confrontation.

  • Cuba : retour à une ligne dure. Sanctions, restrictions, isolement diplomatique. Aucun assouplissement.
  • Venezuela : adversaire central. Sanctions renforcées, pression navale, isolement régional. Les pays caribéens proches de Caracas subissent une pression diplomatique directe.

Haïti : dossier à part, symptôme régional

Haïti n’est pas traitée comme un allié ni comme un ennemi. C’est un risque. Washington privilégie une approche sécuritaire minimale, sans vision de reconstruction politique profonde.

Une CARICOM fragilisée

La CARICOM peine à parler d’une seule voix. Les États les plus dépendants privilégient le bilatéral. Les plus souverainistes plaident pour une diplomatie collective. Trump exploite ces fractures.

En 2025, aucun territoire de la Grande Caraïbe n’est neutre par choix.La question n’est plus de savoir si la région est stratégique. Elle l’est.La vraie question reste ouverte : les États caribéens réussiront-ils à transformer cette pression en levier collectif, ou resteront-ils enfermés dans des stratégies de survie individuelle ?