Parlons de la Grande Caraïbe • Dépassons cette image de carte postale bien connue

Carifesta XV, organisé à Barbade du 22 août au 31 août, s’annonçait comme une vitrine majeure de la création caribéenne. Dix jours de spectacles, d’expositions, de débats, de marchés culturels. Une promesse forte : montrer une Caraïbe créative, diverse, connectée au monde. Sur le papier, l’ambition était là. Sur le terrain, le bilan est plus contrasté.
Carifesta reste, quoi qu’on en pense, le plus grand rendez-vous artistique régional. Cette édition a rassemblé des milliers d’artistes, techniciens, intellectuels, artisans et jeunes créateurs venus de toute la Caraïbe, avec des ouvertures vers l’Afrique et l’Amérique latine.
Musique, danse, théâtre, arts visuels, littérature, mode, cinéma : tout y était. La programmation a assumé un dialogue entre héritages culturels et créations contemporaines, entre traditions populaires et industries créatives émergentes.
Pour le public, le message est clair : la Caraïbe produit, invente, crée. Elle ne se résume pas à des cartes postales ou à des playlists exotiques.
Au-delà des scènes et des parades, Carifesta 2025 a mis en avant les enjeux économiques de la culture. Marchés professionnels, panels, rencontres B2B, espaces dédiés à la jeunesse et à l’entrepreneuriat culturel.
Le discours institutionnel, porté notamment par la CARICOM, insiste sur un objectif récurrent : faire de la culture un vrai pilier de développement régional.
L’intention est pertinente. La Caraïbe regorge de talents. Le problème reste toujours le même : passer du symbole à la structuration durable.
Carifesta 2025 n’a pas échappé aux critiques. Logistique lourde, programmation dense, communication parfois confuse. Plusieurs artistes ont pointé la difficulté à trouver leur public ou à rentabiliser leur présence. D’autres ont soulevé des interrogations sur les critères de sélection, les soutiens financiers et la transparence des processus.
Rien de totalement nouveau. Carifesta traîne depuis des années cette tension entre événement festif XXL et outil stratégique pour les créateurs. Plus l’événement grossit, plus ces failles deviennent visibles.
Oui, Carifesta donne de la visibilité. Oui, il crée des rencontres. Oui, il nourrit une fierté culturelle régionale. La vraie question reste celle de l’après : quels contrats signés ? Quels projets accompagnés dans la durée ? Quels retours économiques mesurables pour les artistes et les territoires ?
Sur ce point, le bilan reste difficile à établir. Sans indicateurs clairs ni suivi post-événement, le risque est toujours le même : un grand moment… puis silence radio jusqu’à la prochaine édition.
Carifesta 2025 rappelle une évidence : la Caraïbe n’a pas besoin de prouver qu’elle est créative. Elle doit désormais prouver qu’elle sait organiser, financer et pérenniser sa création.