Ce qui tue la création de contenus en Guadeloupe

Créer du contenu en Guadeloupe est une aventure à la fois passionnante et éreintante. Face à une série d’obstacles aussi tenaces qu’invisibles, beaucoup jettent l’éponge.

Je trouve important de mettre le doigt sur ce qui étouffe la création de contenus sur notre territoire.

L’illusion du soutien

Tout le monde adore « les créateurs locaux »… en apparence. En réalité, les soutiens concrets (partages, achats, financements) sont souvent absents. Le like ne paie ni le monteur, ni l’hébergement web, ni la facture d’électricité.

La concurrence déloyale… gratuite

Certains médias traditionnels ou influenceurs financés peuvent s’offrir des publications quotidiennes professionnelles sans souci de rentabilité. À côté, les créateurs indépendants rament pour produire un contenu original, cohérent, sincère, souvent avec zéro budget et une énergie personnelle en mode survie. Comment rivaliser quand certains bossent avec une équipe et des sponsors, tandis que d’autres font tout, seuls, de l’idée au montage ? Résultat : beaucoup de talents s’épuisent et arrêtent, faute de moyens et de reconnaissance.

Le manque de structuration du secteur

La création de contenus reste encore perçue comme un hobby, pas un métier. Il n’y a pas (ou trop peu) de formations locales adaptées, pas de syndicats, pas de lieux ressources, pas de dispositifs pérennes de soutien. Chacun invente ses propres règles, ses propres tarifs, souvent sans filet ni repère.

Le manque de respect (et de paiements) des clients

Combien de fois un créateur s’est-il vu proposer de travailler « pour la visibilité » ? Ou payé avec six mois de retard, quand il est payé tout court ? Les clients attendent des contenus pros, innovants, esthétiques… mais veulent les payer au tarif d’un post Facebook amateur.

Cette dévalorisation systématique du travail créatif tue l’envie et bloque la professionnalisation.

Les algorithmes contre l’authenticité

Tu postes un contenu travaillé, pertinent, qui parle de ton territoire, de ton vécu, de ton expertise… et il fait 300 vues. Pendant ce temps, une vidéo TikTok d’un défi ridicule cartonne à 200 000. Bienvenue dans l’ère des algorithmes, où la viralité prime sur la valeur. Les plateformes dictent ce qui mérite d’être vu. Et souvent, ce n’est pas ce qui est local, engagé ou intelligent, mais ce qui capte l’attention en 1,5 seconde.

Le pire ? Ce système pousse les créateurs à faire du contenu formaté, calculé, parfois à l’encontre de leur propre ligne éditoriale. Résultat : une course au like qui épuise, et qui déconnecte le contenu de son sens profond.

Le créateur est un humain, pas une machine

Il ne faut pas tout mettre sur le dos de l’environnement. Le créateur aussi a ses torts. Parfois, il manque de rigueur, de stratégie, de régularité. Parfois, il copie sans citer, ou tombe dans le buzz facile. D’autres abusent de la confiance de leur communauté ou de leurs partenaires. Le milieu manque encore de transparence et de respect mutuel. Professionnaliser, c’est aussi faire son autocritique.

Créer en Guadeloupe ne devrait pas être un combat permanent. Il faut arrêter de dire : c’est normal que tout le monde galère.

Il est temps de repenser notre rapport à la création locale. 4 suggestions.

  • Valoriser les contenus par le partage.
  • Rémunérer à la hauteur du travail fourni.
  • Former, encadrer, structurer les acteurs.
  • Créer des passerelles entre créateurs, institutions, marques, médias.

Mylène Colmar

Journaliste, consultante éditoriale et éditrice, je vis en Guadeloupe, archipel au coeur de la Grande Caraïbe. Caribbean blogger depuis 2007, je tiens Le blog de Mylène Colmar depuis 2015.
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