Adopté le 11 juillet 2025, le rapport du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) intitulé « Jeunes d’Outre-mer : garantir l’égalité des chances pour tous » dresse un état des lieux sans fard de la situation des jeunes ultramarins et propose des solutions concrètes.
« Les colères qui secouent régulièrement les Outre-Mer ne surgissent pas par hasard. Elles sont l’expression d’un malaise profond, ancien, face à un pouvoir central qui, trop souvent, regarde ailleurs. » – Hugo HUET, Président du COJ
Fruit d’une vaste consultation réunissant plus de 2 600 jeunes, ce travail met en lumière des réalités trop souvent invisibilisées, mais aussi des pistes d’action pour enfin donner à cette jeunesse les moyens de son ambition.
Des constats sans appel
Le rapport rappelle que les jeunesses ultramarines représentent une part essentielle des populations locales, mais vivent dans des conditions souvent précaires.
- Précarité forte : les taux de pauvreté atteignent 85 % à Mayotte, 74 % en Guyane et 51 % à La Réunion, bien au-dessus de la moyenne hexagonale.
- Chômage massif : chez les 15-24 ans, il atteint 38 % en Guadeloupe, 40 % en Guyane et près de 60 % à Mayotte.
- Éducation fragilisée : le décrochage scolaire reste élevé (jusqu’à 18 % de sorties précoces à La Réunion) et l’illettrisme touche 25 % des jeunes à Mayotte et 21 % en Guyane.
- Inégalités d’accès aux études : plus de la moitié des jeunes interrogés déclarent avoir rencontré des freins financiers ou liés à la mobilité.
- Fracture numérique : environ 15 % des jeunes sont en situation d’illectronisme, et l’accès à internet reste inégal.
- Méconnaissance des aides : les dispositifs existants (LADOM, Pass Sport, CEJ, etc.) sont très mal identifiés, sauf le Service Militaire Adapté et le Pass Culture.
- Attachement au territoire : malgré ces difficultés, les jeunes interrogés mettent en avant leur environnement naturel et leur culture comme une richesse et une force.
21 recommandations pour agir
Le rapport ne se contente pas de dresser un tableau sombre : il formule 21 recommandations pour transformer la situation. Parmi elles :
- Éducation : adapter l’école aux contraintes locales (internats, classes délocalisées), introduire un temps scolaire consacré aux cultures ultramarines, développer des filières universitaires ancrées dans les besoins économiques locaux.
- Emploi : instaurer une aide fiscale pour l’embauche en CDI des primo-demandeurs d’emploi, simplifier l’accès au financement pour les jeunes entrepreneurs.
- Mobilité : financer le permis de conduire et l’accès à un véhicule, mieux informer sur les dispositifs LADOM, accompagner les jeunes en mobilité avec un suivi psychologique et administratif.
- Conditions de vie : renforcer l’accès aux droits sociaux, combler la fracture numérique, financer les infrastructures sportives et culturelles, développer des solutions de logement adaptées et un accompagnement en santé mentale.
- Citoyenneté : créer des espaces pérennes de dialogue avec les jeunes, soutenir l’éducation populaire et les initiatives locales.
« Au-delà des dispositifs, il s’agit de changer de regard : considérer les jeunes des Outre-Mer non comme une marge à gérer, mais comme une force à soutenir. Refuser qu’ils soient les oubliés d’une République qui leur reconnaitrait moins de droits du seul fait de leur éloignement géographique, c’est affirmer leur pleine et entière citoyenneté. C’est leur dire, sans détour que leur voix compte et que l’avenir s’écrit avec eux. » – Hugo HUET, Président du COJ
Ce rapport envoie un message clair : les aspirations des jeunes d’Outre-mer sont connues, les constats sont partagés, les solutions existent. Reste désormais à transformer ces recommandations en politiques publiques concrètes, pérennes et adaptées à chaque territoire.
Focus sur la Guadeloupe
La Guadeloupe illustre à elle seule nombre des défis soulevés par le rapport.
- Vieillissement démographique : la population diminue (-0,5 % par an depuis 2012), en raison d’un fort exode des jeunes vers l’Hexagone.
- Chômage des jeunes : près de 4 jeunes sur 10 de 15 à 24 ans sont au chômage, et 27 % des 15-29 ans sont « NEET » (ni en emploi, ni en formation).
- Décrochage scolaire : 14,5 % des 18-24 ans quittent prématurément le système éducatif, soit presque le double de la moyenne nationale.
- Illettrisme : environ 9 % de la population adulte est concernée, avec des répercussions directes sur la réussite scolaire des enfants.
- Transports déficients : l’absence de réseau de bus structuré oblige les jeunes à recourir à des transporteurs privés, pour un coût pouvant atteindre 7 € par jour.
Pour la Guadeloupe, les recommandations du rapport font particulièrement écho :
- améliorer les mobilités locales
- développer une offre de formation universitaire et professionnelle adaptée aux besoins économiques du territoire
- renforcer les dispositifs d’accompagnement social et éducatif pour éviter que la jeunesse ne parte définitivement.