Cuba : le gouvernement veut « corriger les distorsions et relancer l’économie »

Le 24 octobre dernier, le gouvernement de Cuba a publié officiellement son « Programa de Gobierno para corregir distorsiones y reimpulsar la economía » (« Programme pour corriger les distorsions et relancer l’économie »), présenté comme le tournant de la gestion économique nationale. Ce document de près de 100 pages structure 10 objectifs généraux, 106 objectifs spécifiques, 342 actions et 246 indicateurs.

L’objectif proclamé : stabiliser l’économie, redynamiser la production nationale, diversifier les recettes en devises, renforcer la gestion étatique et répondre aux enjeux sociaux et énergétiques.

3 volets clés : stabilisation, production, ouverture

  1. Stabilisation macroéconomique

Le plan prévoit de maîtriser le déficit public, de contenir l’inflation et d’élargir la convertibilité du peso cubain. Il mentionne : la suppression progressive des subventions universelles, une meilleure tarification des services publics (électricité, eau, transport) et l’émission de « Letras de Regulación Monetaria ».

  1. Relance de la production nationale

Le document insiste particulièrement sur l’agriculture : viandes, œufs, fruits, légumes et grains sont cités comme piliers du redressement. L’accent est mis aussi sur des filières industrielles à effet d’entraînement.

  1. Diversification des recettes et ouverture contrôlée

Cuba vise à augmenter ses exportations de biens et services (tourisme, biotechnologie, services médicaux…), encourager l’investissement étranger direct (IED), capter davantage de devises via remises, e-commerce, marchés financiers. Le document évoque aussi la « dollarisation partielle de l’économie ».

Zones critiques et scepticisme

Malgré l’ampleur du plan, plusieurs économistes cubains s’interrogent sur sa faisabilité.

  • Le financement reste flou : à l’exception du secteur énergétique, peu de sources de financement sont identifiées.
  • Le document mêle parfois objectifs, indicateurs et mesures de façon peu claire, ce qui affaiblit sa crédibilité aux yeux des spécialistes.
  • Le contexte structurel reste défavorable : crise énergétique persistante, pénuries de devises, dualité monétaire, dépendance à l’extérieur.
  • Sur le plan social, peu de précisions sont données pour les indicateurs de pauvreté ou d’inégalités, bien que la « protection des personnes, familles et communautés en situation de vulnérabilité » figure parmi les objectifs.

De réels défis pour la population

Pour la majorité des Cubains, ce programme pourrait signifier :

  • Une réduction des subventions sur des services essentiels (eau, électricité, transport) et une augmentation des coûts.
  • Une plus grande exposition aux fluctuations de la devise étrangère, à mesure que la « dollarisation partielle » progresse.
  • Potentiellement une plus grande ouverture économique, mais dans un cadre toujours sous contrôle de l’État, ce qui limite la portée des réformes.

En parallèle, l’effort demandé aux entreprises d’État et aux secteurs productifs est considérable : redressement de filières agricoles, industrielles, et relance d’un appareil de production longtemps en souffrance.

D’autres implications

Le plan cubain présente plusieurs implications pour la Grande Caraïbe :

  • Une meilleure ouverture au tourisme, aux services et aux investissements peut générer de nouvelles opportunités de coopération régionale.
  • Mais les réformes annoncées ne signifient pas un renversement du modèle : l’État reste central, et le secteur privé demeure cantonné à un rôle « complémentaire ».
  • Pour les investisseurs étrangers, la clarté juridique, la convertibilité des devises et la garantie des droits restent des zones d’ombre importantes.