C’est le mois de l’économie sociale et solidaire ! J’ai donc eu l’idée de me pencher sur l’édition 2025 du Panorama de l’économie sociale et solidaire (ESS) en Guadeloupe qui dresse un portrait clair : le secteur pèse lourd dans l’emploi local, joue un rôle majeur dans l’action sociale et l’enseignement, et s’appuie sur un tissu dense d’associations et de coopératives.
Publié par la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS), le document montre aussi des fragilités, notamment sur la structure des emplois, le vieillissement des effectifs et les fortes disparités entre intercommunalités.
Une économie qui compte : 1 083 structures, 11 668 salariés
- L’ESS représente 9,7% des emplois de l’économie guadeloupéenne et 14,5% de l’emploi privé.
On y dénombre 1 083 établissements et 11 668 salariés, soit près de 9 600 ETP pour une masse salariale dépassant 323 millions d’euros. - Le paysage reste dominé par les associations, qui concentrent 87% des structures et 86% des emplois. Les coopératives suivent (10% des emplois), puis les mutuelles et fondations.
- Les femmes sont largement majoritaires : 71% des salarié·e·s du secteur.
Action sociale, enseignement, assurance : la colonne vertébrale
L’action sociale reste le cœur de l’ESS : 42% des emplois, répartis sur près de 300 établissements (hébergement médico-social, aide à domicile, accueil des jeunes enfants, actions humanitaires, insertion…).
L’enseignement arrive en deuxième position (13%), porté par les écoles associatives et les centres de formation.
Puis viennent :
– les activités financières et d’assurance (11%), dominées par les banques coopératives et les mutuelles ;
– la santé (5%), principalement les SSIAD et centres de médecine du travail ;
– le sport et les loisirs (3%), un tissu dense de clubs et associations.
Les secteurs culturels, agricoles, touristiques et commerciaux restent marginalement représentés dans l’ESS.
Des structures petites, locales, indispensables
Le panorama montre un tissu composé essentiellement de très petites structures : 76% des établissements ont moins de 10 salariés, et seulement 3% dépassent 50 salariés.
Pourtant, près de la moitié des emplois sont concentrés dans des structures de 10 à 49 salariés, ce qui montre le rôle majeur des petites entités dans l’économie de proximité.
Une évolution contrastée sur dix ans
- En 10 ans, l’ESS gagne 2,1% d’emplois, mais cette progression masque des réalités opposées. Entre 2017 et 2021, le secteur perd des postes, notamment pendant la période Covid. Le secteur de l’enseignement est celui qui enregistre la plus forte baisse : près de 500 emplois supprimés en dix ans.
- À l’inverse, les activités de loisirs, de santé et du médico-social progressent nettement.
- Dans le même temps, l’économie privée hors ESS croît beaucoup plus vite : +26,2% d’emplois sur 10 ans. La divergence est claire à partir de 2016.
Une présence très variable selon les territoires
L’ESS ne pèse pas le même poids partout.
Intercommunalités où l’ESS est la plus forte :
- Nord Grande-Terre : 17,6% de l’emploi
- Marie-Galante : 17,3%
- Grand Sud Caraïbe : 11,7%
Territoire où elle est la plus faible :
- Riviera du Levant : 5,2%
CAP Excellence, de son côté, concentre le plus grand nombre d’emplois : 5 356 salariés ESS, soit près de la moitié du total.
Des conditions d’emploi moins favorables que dans le reste du privé
Le panorama met en lumière des fragilités structurelles.
- 72% de CDI dans l’ESS, contre 81,5% dans le reste du privé.
- Plus de contrats aidés, CDD d’insertion, saisonniers, surtout dans l’action sociale et les sports/loisirs.
- Les femmes sont plus souvent à temps partiel (33%, contre 20% pour les hommes).
Le salaire moyen annuel en ETP est de :
- 30 586€ dans les associations,
- 35 368€ dans les fondations,
- 47 142€ dans les mutuelles,
- 54 233€ dans les coopératives.
La moyenne ESS (33 661€) reste inférieure au reste du privé (34 813€) et très loin du public (44 069€).
Un défi majeur : le vieillissement des effectifs
- 43% des salariés de l’ESS ont plus de 50 ans, un chiffre nettement plus élevé que dans le reste du privé. Seuls 11,9% ont moins de 30 ans.
- Ce vieillissement pose une question centrale : qui assurera le renouvellement des personnels, notamment dans l’aide à la personne, le médico-social, l’insertion, l’accompagnement social ?
- Le document insiste sur la nécessité de former, attirer et accompagner de nouveaux profils, et de soutenir l’innovation sociale pour répondre aux besoins du territoire.
Une économie indispensable pour le présent et l’avenir de la Guadeloupe
Le panorama 2025 confirme le rôle clé de l’ESS dans le quotidien des Guadeloupéens : accompagner, soigner, former, protéger, animer, insérer.
Le secteur reste solide, même si ses marges de manœuvre sont contraintes. Le vieillissement des effectifs, la fragilité de certaines structures, les inégalités territoriales et les conditions d’emploi sont des signaux à prendre en compte.
L’ESS n’est pas seulement un modèle économique, c’est un projet de société. Les chiffres le montrent : elle constitue un levier essentiel pour un développement plus humain, plus solidaire et plus durable.










