En Guadeloupe, ces marcheurs sous un soleil de plomb…

… ou sous une pluie battante, telle est la suite du titre de ce billet, d’autant que ces jours-ci, en Guadeloupe, saison cyclonique oblige, le temps est aussi souvent ensoleillé que pluvieux. La période des grandes vacances s’achève, la rentrée scolaire a lieu cette semaine et avec elle, va reprendre le balai dense et incessant des voitures et bus et ses inévitables embouteillages.

Ils seront aussi de retour ces marcheurs, légèrement voûtés sous le poids de leur sac à dos, se rendant à l’école, à quelques kilomètres de leur domicile. J’ai longtemps été l’un d’entre eux. Pour aller à mon collège, le trajet à pied durait 30 minutes, en moyenne. Je le faisais parfois seule, tête baissée, en allongeant le pas, pour en finir au plus vite. Cependant, le plus souvent, je marchais en compagnie d’amis et, tout occupés à nos discussions, nous prenions notre temps, si bien que les minutes défilaient.

Pendant plusieurs années, j’ai marché, de la maison au collège, du collège à la maison. J’ai marché, qu’il fasse beau ou qu’il tombe des cordes. J’ai marché quatre fois par jour, parce que mon collège ne disposait pas d’une cantine et qu’il me fallait bien rentrer déjeuner chez moi. J’ai marché deux fois par jour, lorsque, par chance, un parent pouvait m’emmener ou me ramener en voiture. J’ai marché en uniforme, avec un tee-shirt gris cassé d’abord, puis bleu marine, mais toujours paré du logo du collège reconnaissable au loin. Puis est venue l’époque du lycée, sans l’uniforme, mais toujours avec le trajet à pied. Ô joie, ce dernier ne durait plus que 20 minutes !

Je ne fais plus partie de ces «élèves marcheurs» que je croise désormais bien à l’aise au volant de ma voiture. Cependant, je n’en ai pas fini avec la marche. D’« obligatoire », elle est devenue « sportive ». Pratiquer la marche à pied pour avoir une activité physique régulière, nombre de Guadeloupéens ont choisi cette option. Le jour à peine levé, vers 5 heures du matin, certains partent de chez eux pour faire leur « parcours de santé », avant leur journée de travail. D’autres préfèrent marcher en fin d’après-midi, au moment où la chaleur est moins accablante. Seul, à deux, en groupe.

La marche, plutôt que la course, car le monde défile moins vite, ce qui donne le temps d’observer. Là, le quinquagénaire à l’esprit de compétition, aux pas saccadés tant il veut aller vite et qui accélère encore pour n’être dépassé par personne. Là-bas, la jeune femme maquillée, parfumée, habillée d’une tenue de sport coordonnée, aux pas lents et mesurés. Ici, le groupe des marcheurs, bruyant, s’apostrophant pour se chambrer, aux éclats de rire si communicatifs.

Je fais partie de ces « marcheurs sportifs ». J’ai fait partie des «élèves marcheurs». Mais j’espère ne jamais faire partie des «marcheurs fantômes».

Je ne sais pas si l’expression est bien trouvée, mais c’est celle que j’ai choisie pour qualifier ces personnes qui, seules, un peu (voire beaucoup) débraillées, le regard hagard, semblent marcher des kilomètres chaque jour vers une destination inconnue. Certaines semblent parler à un autre invisible. D’autres font peur tant elles ne sont que l’ombre d’elles-mêmes. J’en croise quasiment tous les jours. Un jour, ici. Un autre, plus loin, là-bas. Ces «marcheurs fantômes», qui avancent sans réel but et sur lesquels notre regard passe, sans vraiment s’arrêter… Eux sont bien trop nombreux en Guadeloupe. 

Billet publié le 2 septembre 2013 sur mon précédent blog et légèrement modifié. 

 

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