Exposition au Mémorial ACTe en Guadeloupe : Et Guillon Lethière sorti de l’ombre…

J’ai découvert l’art pictural très tard. J’ai eu la chance de beaucoup voyager petite, notamment dans l’Hexagone, mais les visites dans les musées n’étaient pas au programme. À l’école, nous avons sans doute eu droit à des sorties dans les musées locaux, mais je dois avouer que je n’en ai gardé aucun souvenir. C’est en étudiant à Paris, à La Sorbonne, que j’ai commencé à m’intéresser aux arts, et en particulier aux tableaux de grands maîtres. Je suis allée dans quelques musées, notamment le Louvre, j’ai acheté des ouvrages, regardé des documentaires. Il me semblait que je découvrais un univers intéressant, qui allait très bien avec celui de la littérature.

Je vous raconte cela parce que j’y repensais alors que je me promenais dans la salle d’exposition du Mémorial ACTe à Pointe-à-Pitre, lundi matin. J’ai alors ressenti une émotion particulière : j’aurais tant aimé avoir eu une telle opportunité, enfant !

Pourquoi étais-je dans cette salle ? Le titre de ce billet vous a déjà donné la réponse, mais bien sûr, je vais vous en dire plus. Lundi dernier, j’ai effectué une visite de presse pour découvrir en exclusivité la nouvelle exposition internationale du Mémorial ACTe : « Guillon Lethière né à la Guadeloupe » qui a débuté le 16 décembre et s’achèvera le 29 mars 2026.  J’y suis allée avec d’autant plus de plaisir que je n’avais pas pu aller voir l’expo que lui avait consacrée Le Louvre en 2024. 

Une exposition à ne pas rater

Le Mémorial ACTe consacre une exposition à Guillaume Guillon Lethière, peintre guadeloupéen du XVIIIe-XIXe siècle, longtemps resté dans l’ombre malgré une carrière remarquable au sein des milieux artistiques français et européens. » – Communiqué du Mémorial ACTe

Sans plus attendre, je vais vous donner mon avis : j’ai trouvé l’exposition très réussie. J’ai beaucoup appris sur Guillon Lethière, son parcours, ses œuvres, son époque. Le jeu de lumières, la jolie musique, le parcours agréable… Tout concourt à ce que l’exposition soit belle, intéressante. J’ai particulièrement apprécié les deux dernières sections sur :

• Les peintres guadeloupéens et caribéens à Paris autour de Lethière ;
• Les prémices de la peinture en Guadeloupe et l’école caribéenne du paysage pittoresque du XVIIIe et XIXe siècle.

J’ai d’ailleurs eu un gros coup de cœur pour cette œuvre d’Armand Budan. Quelle intensité ! Quelles couleurs !

Une fois cela dit, ai-je accroché aux œuvres de Guillon Lethière ? Pas vraiment. Cependant, les goûts et les couleurs… J’aime les tableaux qui suscitent chez moi des émotions brutes, qui me donnent envie de les observer pendant des heures. Les tableaux de Guillon Lethière sont très détaillés, très bien peints, mais ils n’ont pas réussi à retenir mon attention.

Et cependant, je vous recommande à nouveau d’aller voir l’exposition, pour vous faire votre propre idée. Allez-y avec vos enfants, votre entourage, parce que cela vaut la peine de les y amener pour les faire plonger dans un univers riche, différent. Et cela sera une parfaite occasion de discuter d’art et d’autres sujets abordés par l’exposition.

Une exposition majeure, symbolique et politique

Une fois cela dit, je vous livre maintenant les informations essentielles, tirées du dossier de presse remis par l’équipe du Mémorial ACTe.

« En présentant Guillon-Lethière, né à la Guadeloupe, le Mémorial ACTe rend hommage à l’un des plus grands peintres de son temps et réaffirme sa mission : éclairer les trajectoires, les héritages et les mémoires qui relient nos sociétés. Cette exposition offre au public l’occasion de redécouvrir une œuvre puissante, où l’exigence esthétique se conjugue à une pensée profondément engagée. » – Isabelle Vestris, directrice du Mémorial ACTe

L’artiste
• Guillaume Guillon Lethière (1760, Sainte-Anne – 1832)
• Fils d’un colon blanc et d’une mère esclave
• Peintre majeur des XVIIIe-XIXe siècles, longtemps marginalisé
• Carrière exceptionnelle en Europe
• Directeur de l’Académie de France à Rome (Villa Médicis)
• Revendique explicitement ses origines guadeloupéennes

« Né à Sainte-Anne en 1760, d’un père colon blanc et d’une mère esclave, Guillon Lethière incarne un parcours exceptionnel, franchissant les frontières sociales, géographiques et symboliques de son époque. » – Christelle Lozère, commissaire de l’exposition

Angle et enjeux de l’exposition
• Réinscrire Lethière dans l’histoire de l’art et dans l’histoire caribéenne
• Mettre en lumière son engagement politique, humaniste et abolitionniste
• Interroger les notions d’identité, de liberté, de filiation, de mémoire
• Souligner le lien Guadeloupe – Haïti – France

Œuvres et contenu

• Plus de 100 œuvres (musées français, américains et collections guadeloupéennes)
• Œuvres inspirées de l’Antiquité, du classicisme et de l’histoire
• Mise en avant de son rôle de pédagogue et de son réseau d’élèves caribéens

« Couvert d’honneurs par les différents régimes, il pense encore aux Antilles. Trois ans avant la reconnaissance officielle de l’indépendance d’Haïti par le roi de France Charles X, il salue l’héroïsme des Haïtiens. Il envoie son propre fils, livre son tableau testament dans la jeune république haïtienne. Il inscrit aussi sur son tableau le slogan des Républicains, le slogan de Louis Delgrès, le slogan des Haïtiens : « Vivre libre ou mourir ». » – Frédéric Régent, commissaire de l’exposition

Focus central sur Le Serment des Ancêtres (1822)
• Tableau testamentaire, peint en secret
• Représente l’alliance Dessalines / Pétion (1802)
• Soutien explicite à l’indépendance haïtienne
• Signature unique : « né à la Guadeloupe an 1760 »
• Œuvre absente physiquement mais dispositif de médiation dédié
• Tableau classé trésor national haïtien

Parcours de l’exposition
• 8 sections, de sa généalogie à l’émergence d’une école caribéenne du paysage
• Contextualisation forte : Révolution, Empire, Restauration, esclavage, abolition
• Ouverture sur les débuts de la peinture en Guadeloupe