Je suis Mylène Colmar. Journaliste, consultante éditoriale et éditrice en Guadeloupe, j’ai créé ce blog en 2015 pour raconter ma région, ses acteurs et enjeux.

La Grande Caraïbe, terrain décisif de la rivalité Taïwan–Chine
Taïwan est aujourd’hui l’un des acteurs asiatiques les plus actifs dans la Grande Caraïbe. Pour une raison simple : la région abrite plusieurs des derniers États qui reconnaissent officiellement Taïwan et non la Chine continentale. Cette présence n’est pas que diplomatique : elle touche à l’aide au développement, au numérique, à l’agriculture, à la santé, à la formation, et même à la sécurité.
Depuis dix ans, Pékin mène une offensive continue pour réduire l’espace diplomatique de Taïwan. La Grande Caraïbe est devenue un terrain stratégique de cette rivalité.
La Grande Caraïbe, espace stratégique pour Taïwan
La région représente un enjeu crucial pour Taipei, qui y voit un levier pour maintenir sa visibilité internationale.
Les petits États caribéens ont souvent peu de moyens, et l’aide taïwanaise – souple, rapide, ciblée – a longtemps fait la différence.
Études, prêts concessionnels, projets agricoles, équipements médicaux, transition numérique, appui aux PME… Taïwan a développé une diplomatie de proximité très active, souvent bien perçue.
Qui reconnaît encore Taïwan dans la Grande Caraïbe ?
Il reste 4 États dans la région à avoir des relations diplomatiques officielles avec Taïwan :
- Haiti
- Saint-Kitts-et-Nevis
- Saint-Lucie
- Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
Ces pays reçoivent un soutien direct : infrastructures, formation, coopération agricole, bourses d’études, cyber-sécurité. Saint-Lucie et Saint-Vincent sont particulièrement loyaux à Taipei depuis des décennies.
À noter que le Belize, longtemps partenaire, a basculé vers la Chine en 2024 dans un contexte de pressions économiques. Sa sortie a été un choc pour Taïwan, qui perdait l’un de ses alliés les plus solides en Amérique centrale.
Les États qui ont rompu avec Taïwan ces 10 dernières années
La Grande Caraïbe a été la principale zone de pertes diplomatiques pour Taïwan. Ces pays ont rompu leurs liens avec Taipei pour reconnaître Pékin :
- République dominicaine (2018)
- El Salvador (2018)
- Panama (2017)
- Nicaragua (2021)
- Belize (2024)
- Honduras (2023)
Ces basculements ont été motivés par des offres massives d’investissements chinois (ports, autoroutes, stades, prêts, zones économiques). Pékin a mis sur la table des montants que Taïwan ne peut pas suivre.
Où Taïwan reste très actif, même sans reconnaissance diplomatique
Même dans les pays qui ont officiellement choisi Pékin, Taïwan n’a pas disparu. Son influence passe alors par :
- la coopération technique via ses ONG
• les investissements privés, notamment en high-tech et énergies renouvelables
• la diaspora taïwanaise
• des partenariats universitaires
• la coopération sanitaire, visible pendant le COVID-19
Des États comme la Jamaïque, la Barbade, Trinité-et-Tobago, le Suriname ou le Mexique continuent de travailler ponctuellement avec Taïwan, surtout dans les secteurs technologiques et éducatifs.
Focus sur des territoires clés
- Haiti : c’est le partenaire le plus ancien de Taïwan dans la région (depuis 1956). Taipei y finance irrigation, agriculture, télécommunications, formation technique. Les tensions internes haïtiennes compliquent cependant la mise en œuvre des projets.
- Saint-Vincent-et-les-Grenadines : coopération très dynamique, notamment sur l’agriculture intelligente, la résilience climatique et les bourses étudiantes.
- Guatemala (riverain Caraïbe, même s’il regarde surtout vers l’Amérique centrale) : l’un des derniers piliers diplomatiques de Taïwan dans l’hémisphère ouest. Taipei y a investi massivement pour éviter une rupture.
- Panama, République dominicaine, Honduras : après la reconnaissance de Pékin, la présence taïwanaise s’est réduite mais reste visible à travers la société civile.
Pourquoi la région est aussi stratégique dans la rivalité Pékin–Taipei
- Poids symbolique : chaque reconnaissance diplomatique compte.
- Proximité avec les États-Unis, principal allié de Taïwan. Washington surveille de très près les basculements diplomatiques, surtout dans la zone Caraïbes-Amérique centrale.
- Position géopolitique : Canal de Panama, routes maritimes, ports stratégiques.
- Accès aux votes dans les organisations internationales : un petit État caribéen compte autant qu’un grand pays dans de nombreux forums.
Les enjeux 2026 : vers de nouveaux basculements ?
La tension est forte et rien n’est figé.Trois risques majeurs pour Taïwan :
- Haiti : une rupture n’est pas impossible si un futur gouvernement cherchait un soutien financier massif et rapide auprès de Pékin.
• Saint-Kitts-et-Nevis : pression chinoise discrète mais constante.
• Saint-Lucie : stable aujourd’hui, mais les élections pourraient rebattre les cartes à moyen terme.
Trois dynamiques possibles :
- Pékin accélère ses offres d’infrastructures, notamment portuaires.
• Taïwan renforce ses appuis directs aux PME, à l’agriculture et aux programmes éducatifs.
• Les États-Unis interviennent davantage pour sécuriser le maintien d’alliés stratégiques autour de la mer des Caraïbes.
Ce que cette rivalité change pour la Grande Caraïbe
- Plus de financements, mais souvent avec des conditions différentes.
• Dépendance accrue vis-à-vis de la Chine pour les pays qui basculent.
• Accès à des technologies (agriculture intelligente, IA, cybersécurité) via Taïwan.
• Pression géopolitique grandissante, particulièrement dans les micro-États insulaires.
• Effet boomerang possible sur les dettes publiques, si les projets chinois ne créent pas assez de valeur économique.







