Il y a quasi deux ans, j’ai publié un billet de blog sur « Un enjeu crucial en Guadeloupe : répondre aux besoins grandissants d’assistance et soulager le quotidien ». J’y présentais TEWOU, entreprise guadeloupéenne qui propose des prestations et outils pour « sécuriser vos proches en cas de chute, malaise, angoisse, fugue, etc. » en Guadeloupe, Martinique et Guyane.
J’ai eu envie de revenir sur le sujet, mais en parlant de la Guadeloupe vieillissante. Je suis entourée de seniors, de ma mère à mes tantes, en passant par ceux avec lesquels je travaille, ceux que j’interviewe. Je me dois de parler d’eux sur ce blog, en mettant en lumière ce qu’ils représentent comme opportunités et enjeux. Les seniors constitueront une grande partie de la population guadeloupéenne de demain et il est important de le souligner.
En vérité, nos seniors représentent une mine d’or, aux multiples ressources à exploiter. Ils sont une richesse humaine que nous devons utiliser comme moteur de développement durable. Les considérer uniquement sous le prisme de la dépendance ou du coût serait une erreur stratégique. Bien accompagnés, bien valorisés, ils sont l’un des atouts majeurs de demain.
D’ici 2030, un Guadeloupéen sur trois sera un senior
« Au 1er janvier 2025, la population de la Guadeloupe est estimée à 380 400 habitants. Le recul démographique amorcé depuis 2011 se poursuit. En dix ans, l’île a perdu 0,5 % de sa population en moyenne par an soit une baisse totale de 17 600 habitants, l’équivalent des communes de Basse-Terre et de Petit-Canal réunies. » – Insee Guadeloupe
« Les seniors sont de plus en plus nombreux en Guadeloupe. Au 1er janvier 2025, elle est la deuxième région française dont la part des plus de 60 ans (33 %) est la plus élevée, derrière la Martinique (35 %). Dix ans auparavant, ils représentaient 23 % de la population. Ainsi, la population vieillit, à un rythme plus marqué qu’en France hexagonale. »
« En 2030, un tiers de la population guadeloupéenne serait âgé de 60 ans et plus contre un quart en 2017. » – Insee Guadeloupe
Ce vieillissement constitue un réservoir d’opportunités pour l’économie locale. Contrairement à certains stéréotypes, ces seniors ne sont pas inactifs. Ils sont membres d’associations, accompagnateurs de jeunes, garants de la mémoire collective. Nombre d’entre eux sont en bonne santé, autonomes et désireux de rester actifs. Leur temps libre et leur pouvoir d’achat relatif les placent dans une position stratégique, notamment dans les secteurs du tourisme, de la culture, de l’artisanat et de l’économie sociale.
Un pouvoir d’achat sous-estimé mais réel
Les retraités guadeloupéens représentent une part importante des revenus stables dans l’économie. En 2021, près de 100 000 personnes touchaient une pension de retraite en Guadeloupe. Le montant moyen mensuel brut de la pension de droit direct s’élevait à 1 200 euros, un niveau qui, bien qu’inférieur à celui de l’Hexagone, reste supérieur à de nombreuses prestations sociales. Ces revenus, réinjectés dans l’économie locale, soutiennent la consommation, notamment dans les secteurs de la santé, du commerce, des services à la personne, du logement et de l’agroalimentaire. Les retraités guadeloupéens dépensent en moyenne plus de 70 % de leurs ressources sur le territoire.
Les plus de 60 ans en Guadeloupe représentent également une part importante de la consommation locale. En France hexagonale, les seniors détiennent environ 60 % du patrimoine financier, et ce constat se transpose en partie aux Outre-mer. En Guadeloupe, les seniors consacrent une partie significative de leurs revenus à l’achat de services à domicile, au tourisme local, aux soins de bien-être, mais aussi à la consommation alimentaire de qualité.
Une ressource humaine précieuse
Les seniors jouent aussi un rôle crucial dans la société : ils gardent les petits-enfants, participent à la vie associative et citoyenne. Ils représentent près de 40 % des bénévoles dans les associations culturelles, sportives et caritatives.
Beaucoup d’entre eux possèdent un savoir-faire artisanal, culinaire ou agricole. Ils jouent un rôle crucial dans la transmission des savoirs, des traditions, des langues, des récits. En Guadeloupe, beaucoup sont les gardiens de la mémoire créole, de l’histoire locale, des musiques, des saveurs d’antan. Ce capital immatériel est précieux. Valoriser les seniors, c’est investir dans la cohésion intergénérationnelle, dans l’ancrage culturel et dans une société plus équilibrée.
L’économie du patrimoine, du terroir et des traditions gagne à mieux intégrer ces porteurs de mémoire et de compétences.
Transformer la mine d’or en moteur de développement
- Structurer la « silver economy » locale
Le marché des produits et services pour les personnes âgées représentera plus de 130 milliards d’euros en France d’ici 2030. En Guadeloupe, les opportunités sont énormes si l’on développe des filières locales : santé connectée, résidences seniors, loisirs adaptés, transports sur mesure, etc. Le vieillissement de la population appelle aussi à des investissements structurants : habitat adapté, transports accessibles, services de santé de proximité, structures d’accueil et de loisirs. Ces secteurs représentent autant d’opportunités de développement économique et d’emplois locaux.
- Adapter la formation et l’emploi
Il faudra former plus de 5 000 professionnels supplémentaires d’ici 2035 dans les métiers du grand âge : aides à domicile, auxiliaires de vie, infirmiers, ergothérapeutes, mais aussi artisans et professionnels du bâtiment pour l’adaptation des logements.
- Valoriser le patrimoine vivant
L’investissement dans la transmission intergénérationnelle et la valorisation des savoirs locaux (langue, cuisine, artisanat, musique) constitue un axe de développement identitaire fort, notamment dans le cadre du tourisme culturel.
- Prévenir la perte d’autonomie
« En 2021, aux Antilles (Guadeloupe et Martinique), les problèmes fonctionnels affectent trois personnes âgées de 60 ans et plus vivant à domicile sur dix. Les problèmes de santé restreignent 45,0 % des seniors dans leurs activités quotidiennes. Parmi l’ensemble des seniors à domicile, 11,0 % sont en situation de perte d’autonomie. » – Insee Guadeloupe
Des politiques de prévention efficaces pourraient réduire de 20 % le nombre de seniors dépendants d’ici 2040. Cela suppose des campagnes de santé publique, des activités physiques régulières, une alimentation adaptée et un suivi médical renforcé.