Le USS Gerald R. Ford déployé dans la Caraïbe : opération antidrogue ou démonstration de puissance ?

C’est une annonce  qui a fait grand bruit dans la région. Le Pentagone a confirmé le déploiement du USS Gerald R. Ford, le plus grand et le plus moderne des porte-avions américains, dans la zone du United States Southern Command – qui couvre la Caraïbe et une partie de l’Amérique latine.

Officiellement, il s’agit de renforcer la campagne antidrogue menée depuis plusieurs mois contre les trafics maritimes en provenance d’Amérique du Sud. Officieusement, beaucoup y voient un geste politique fort adressé à plusieurs gouvernements de la région, notamment le Venezuela.

Un géant des mers dans une région fragile

Le Gerald R. Ford, long de plus de 330 mètres et doté d’une capacité d’emport de plus de 75 avions et hélicoptères, symbolise la puissance navale américaine.

Son déploiement dans la Caraïbe, accompagné d’un groupe de frappe complet (frégates, destroyers, sous-marins), marque une montée en puissance inédite depuis la fin de la Guerre froide.

Selon le Pentagone, la mission vise à « détecter, surveiller et perturber les acteurs et activités illicites qui compromettent la sécurité et la prospérité des États-Unis et de leurs partenaires régionaux ».

En clair : les États-Unis veulent affirmer leur contrôle sur une zone maritime devenue un corridor stratégique pour les trafics de cocaïne et d’armes, et qui intéresse aussi d’autres puissances, notamment la Chine et la Russie.

Des frappes controversées et des tensions diplomatiques

Ces derniers mois, les forces américaines ont mené plusieurs frappes dites « cinétiques » contre des embarcations suspectées d’être liées à des cartels. Des dizaines de morts ont été rapportés, sans toujours que les victimes soient identifiées formellement comme des trafiquants.

Certains gouvernements de la région – Colombie, Venezuela, Nicaragua – dénoncent ces actions jugées unilatérales et en dehors du droit international maritime.

Le gouvernement vénézuélien a d’ailleurs parlé d’« agression déguisée », accusant Washington de vouloir exercer une pression politique alors que les relations bilatérales sont déjà extrêmement tendues.

À l’inverse, Trinidad-and-Tobago et plusieurs États des Petites Antilles anglophones ont accueilli favorablement ce déploiement, y voyant un soutien technique et sécuritaire dans la lutte contre le narcotrafic, un fléau qui mine leurs sociétés

Et la Grande Caraïbe dans tout ça ?

Pour les territoires insulaires de la Grande Caraïbe, cette présence militaire accrue pose question.

D’un côté, elle pourrait renforcer la surveillance maritime et dissuader les trafiquants. De l’autre, elle risque de militariser davantage une région déjà fragile, où les équilibres géopolitiques sont précaires.

Entre Washington, Caracas, La Havane et Bogotá, la Caraïbe devient plus que jamais un espace de projection de puissance, un théâtre d’intérêts croisés où la lutte antidrogue n’est qu’une pièce d’un puzzle bien plus vaste.

Une histoire à suivre de près

Le Gerald R. Ford devrait rester plusieurs semaines dans la zone avant de rejoindre, éventuellement, la côte Pacifique. Cependant, son arrivée envoie un message clair : les États-Unis entendent reprendre la main sur leur arrière-cour stratégique. 
Les prochains jours diront si ce déploiement servira réellement à freiner les réseaux criminels ou s’il marque le début d’une nouvelle phase de tension politico-militaire dans la Grande Caraïbe.