Montée des eaux : la Guadeloupe déjà en première ligne

La Guadeloupe n’est pas un cas théorique dans le débat sur la montée des eaux. Elle en subit déjà les effets concrets. Dans son avis publié en mai 2025, La montée des eaux dans les Outre-mer : quelles stratégies pour s’adapter ?, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) classe l’archipel parmi les territoires ultramarins les plus exposés et les plus vulnérables.

Érosion du littoral, submersions marines, infrastructures menacées, zones économiques stratégiques en danger : les signaux sont clairs, et le temps joue contre le territoire.

Une érosion côtière déjà bien installée

En Guadeloupe, l’érosion du trait de côte n’est plus marginale. Elle touche en priorité les côtes sableuses exposées aux houles chroniques, notamment sur la côte nord-est et sud de Grande-Terre, ainsi que sur la côte sud-est de Basse-Terre.

Selon le CEREMA, l’archipel figure en tête des départements d’Outre-mer les plus affectés par le phénomène. À court terme, des dizaines de bâtiments et de logements sont menacés, et à l’horizon 2050, ce sont plusieurs centaines de logements et de bâtiments économiques qui pourraient être impactés.

Des communes littorales fortement exposées

Neuf communes guadeloupéennes sont identifiées comme particulièrement vulnérables face au recul du trait de côte : Baillif, Bouillante, Deshaies, Le Moule, Pointe-Noire, Port-Louis, Saint-François, Sainte-Anne et Terre-de-Haut.
Certaines zones urbanisées, pourtant très fréquentées et stratégiques, continuent à être aménagées ou densifiées, alors même que leur exposition aux submersions marines et aux inondations est connue. Le CESE souligne ce paradoxe : on régularise aujourd’hui des constructions qui devront être déplacées demain.

Jarry et Pointe-à-Pitre : un risque systémique

Le rapport pointe explicitement la zone de Pointe-à-Pitre – Jarry, cœur économique de la Guadeloupe. Cette zone concentre environ 16 000 entreprises, des infrastructures portuaires, routières et logistiques majeures, ainsi qu’une population importante.
Les projections sont sans ambiguïté : si les scénarios défavorables se confirment, certaines parties de cette zone pourraient être submergées jusqu’à 180 jours par an à partir de 2060–2080, soit un jour sur deux. Ce n’est plus un risque ponctuel, mais une remise en cause durable de l’activité économique.

Des infrastructures critiques en première ligne

Ports, routes, zones industrielles, stations d’épuration, réseaux d’eau potable : en Guadeloupe, une grande partie des infrastructures critiques est implantée en zone basse littorale.
Le CESE insiste sur la nécessité d’une évaluation globale et prioritaire des risques de submersion-inondation sur ces équipements. Leur défaillance aurait des conséquences en chaîne sur l’économie, la santé publique et la continuité territoriale.

Des écosystèmes protecteurs fragilisés

Mangroves, plages, récifs coralliens jouent un rôle essentiel de protection naturelle contre la montée des eaux. Or ces écosystèmes sont eux-mêmes fragilisés par l’urbanisation, la pollution, la fréquentation excessive et le réchauffement climatique.
Le CESE rappelle que les solutions fondées sur la nature doivent être privilégiées en Guadeloupe : restauration des mangroves, protection des cordons dunaires, limitation de l’artificialisation du littoral. Sans ces barrières naturelles, les ouvrages « durs » montrent rapidement leurs limites.

Urbanisme et gouvernance : des décisions à revoir

L’un des messages forts du rapport concerne l’urbanisme. De nombreux documents de planification en Guadeloupe restent obsolètes ou insuffisamment alignés avec les projections climatiques à 2050 et 2100.
Le CESE appelle à une révision systématique des plans de prévention des risques, des PLU et des schémas d’aménagement, en intégrant pleinement la montée des eaux. Il alerte également sur la solitude des maires face à des décisions lourdes, parfois impopulaires, mais incontournables.

Anticiper plutôt que subir

La Guadeloupe a encore une marge de manœuvre, mais elle se réduit rapidement. Le CESE le rappelle sans détour : le coût de l’inaction sera bien supérieur à celui de l’adaptation.
Relocalisation ciblée, protection des écosystèmes, anticipation foncière, accompagnement des entreprises, formation des élus et information de la population : la montée des eaux impose un changement de logiciel.
En Guadeloupe, la question n’est plus de savoir si le territoire devra s’adapter, mais comment et à quelle vitesse.