Il y a quelques jours, je vous ai parlé de Ce qui tue les entreprises en Guadeloupe dans un texte qui a rencontré un bel écho. Je remercie d’ailleurs tous ceux qui ont réagi, commenté, partagé.
Dans la continuité, j’ai eu envie de parler de l’étude de l’INSEE Analyses n°111 sortie le 17 juillet, qui est consacrée aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) dans les départements d’outre-mer (DOM). Elle met en lumière leurs caractéristiques structurelles, économiques et financières comparées à celles de la France hexagonale.
Elle révèle les défis persistants liés à l’éloignement, la taille des marchés, le coût du financement et la spécialisation sectorielle.
Voici les 10 points essentiels à retenir de cette analyse précieuse pour comprendre la réalité des PME ultramarines.
-
Des PME plus petites en chiffre d’affaires
En 2022, les PME des DOM affichent un chiffre d’affaires moyen inférieur à celui de leurs homologues de l’hexagone :
- France hexagonale : 1,53 M€
- DOM : entre 1,34 M€ en Guadeloupe et 1,41 M€ à La Réunion
Ce différentiel reflète la taille réduite des marchés et les surcoûts structurels liés à l’insularité.
-
Une faible appartenance à des groupes
Les PME ultramarines sont moins souvent intégrées à des groupes :
- France hexagonale : 11,6 % des PME en font partie
- DOM : entre 6,5 % (Guadeloupe) et 7,7 % (Martinique)
Cette moindre intégration limite leur capacité à mutualiser les ressources et à investir.
-
Une diversité sectorielle plus faible
Le nombre de codes APE (activités principales exercées) est réduit dans les DOM :
- France hexagonale : 602
- DOM : 408 à La Réunion, 370 en Guadeloupe, 347 en Martinique, 290 en Guyane
Cette spécialisation sectorielle freine la dynamique d’innovation et d’interactions intersectorielles.
-
Un poids plus élevé des consommations intermédiaires
Les PME des DOM consacrent une part plus importante de leur CA aux consommations intermédiaires :
- Guadeloupe : 73,1 %, Martinique : 71,9 %
- France hexagonale : 69,1 %
Cela traduit une forte dépendance aux importations et un tissu productif peu intégré localement.
-
Un taux de valeur ajoutée plus faible
Conséquence du point précédent, le taux de valeur ajoutée est réduit :
- DOM : 27,8 % à 29,9 %
- France hexagonale : 31,9 %
Les entreprises ultramarines peinent donc à dégager de la richesse propre à partir de leur activité.
-
Une productivité du travail plus basse
La productivité apparente du travail reste inférieure dans les DOM :
- Guyane : 57,9 k€ / salarié, Guadeloupe : 57,4 k€
- France hexagonale : 64,9 k€
Cela résulte d’une surreprésentation des activités de la sphère « présentielle », à plus faible valeur ajoutée.
-
Un accès au financement plus coûteux
Les taux d’intérêt apparents sont plus élevés, particulièrement en Guyane :
- Guyane : 3,7 %, La Réunion : 2,8 %
- France hexagonale : 1,9 %
Les financeurs perçoivent un risque accru dans les DOM, pénalisant l’investissement.
-
Un taux de prélèvement financier plus élevé
Le poids des charges financières est plus important dans la valeur ajoutée :
- Guyane : 10,1 %, Martinique : 8,6 %
- France hexagonale : 6,5 %
Ce surcoût réduit la capacité des PME à se développer de manière autonome.
-
Une rentabilité moyenne légèrement inférieure
Globalement, la rentabilité financière des PME des DOM est comparable ou légèrement inférieure à celle de métropole :
- France hexagonale : 11,6 %
- DOM : de 8,0 % (Guadeloupe) à 11,2 % (Guyane)
Les écarts sont minimes à la médiane mais s’accentuent dans les segments les plus rentables.
-
Des situations contrastées en haut de la distribution
En haut de la distribution, certaines PME des DOM affichent des performances supérieures :
- Guyane : les 10 % les plus rentables ont une rentabilité supérieure de 3,9 % à leurs homologues métropolitaines
- À La Réunion : +1,6 % pour les PME les plus rentables
Cela s’explique par des effets sectoriels (spatial en Guyane, déductions fiscales à La Réunion).
Les PME des DOM présentent un profil économique distinct, à la fois marqué par des fragilités structurelles et des dynamiques spécifiques.
Leur développement requiert des politiques adaptées, favorisant la diversification économique, la montée en gamme et un meilleur accès aux financements. Ces données sont essentielles pour les acteurs publics, les financeurs et les entrepreneurs soucieux de soutenir un tissu économique plus résilient en outre-mer.