Pointe-à-Pitre/Abymes : la rénovation urbaine en marche lente

La mise en route a été difficile, l’exécution sera très longue… La rénovation urbaine à Pointe-à-Pitre et aux Abymes prend des allures de marathon. Or, depuis le séisme qui a touché Haïti le 12 janvier, l’inquiétude est de plus en plus vive chez les Guadeloupéens qui logent dans des anciens bâtiments visés par cette rénovation, la majorité de ces derniers ne répondant pas aux normes parasismiques actuelles.

Fruit de plusieurs années de négociations et d’études, lancée au début du mois de juillet 2009, la rénovation urbaine des Abymes, la Ruzab, a pour but « essentiellement de revitaliser les deux quartiers de Grand Camp et Raizet, situés en zone urbaine sensible (ZUS) ».  Ces deux zones qui comptent 6 000 logements et près de 15 000 habitants feront ainsi l’objet d’un « programme de démolition-reconstruction, tenant compte des urgences parasismiques et permettant la création de quartiers entièrement rénovés ».

Quant au budget pour ce projet, il a été sensiblement revu à la baisse. Michel Rincon, 3e adjoint du maire des Abymes, chargé des questions de rénovation urbaine, explique : « Au départ, nous avions fait prévu un budget de 450 millions d’euros, mais au final il se monte à 373 millions d’euros ». Une « diminution compréhensible » selon l’expression de Michel Rincon, qui s’explique surtout par le fait que l’Etat, dont les finances sont au plus mal, ait décidé de baisser sa participation.

A Pointe-à-Pitre aussi, la rénovation urbaine est aussi en marche. La première opération qui a débuté en 2006 et est financée à hauteur de 300 millions d’euros, concerne les quartiers Chanzy, Bergevin et Henri IV, ainsi que le centre-ville où nombre de bâtiments seront démolis et reconstruits. Le quartier de Lauricisque doit aussi être rénové. Selon Michel Corbin, architecte, vice-président du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de la Guadeloupe, la rénovation permettra à terme de remettre aux normes les bâtiments, mais aussi d’améliorer le cadre de vie des habitants. Toutefois, « on est parti pour quinze ans », assure Michel Corbin.

Grandes inquiétudes

Les projets de rénovation urbaine devant durer pendant plusieurs années, l’attente sera longue pour les personnes logeant dans les bâtiments à rénover déjà inquiets. Avec raison. Selon l’étude Gémitis (1994-1997) menée sur le parc immobilier de la ville, « une grande partie des logements réalisés dans les années 1950 à 1970 (ndlr : lors de la première rénovation urbaine, voir « Quand Pointe-à-Pitre lutta contre la misère… ») sont vulnérables au risque sismique ». La majeure partie de ces bâtiments ne répondent pas aux normes parasismiques actuelles, pour des raisons évidentes :

« Il ne faut pas dire, comme je l’entends trop souvent ces derniers temps, que les anciens qui ont mené la rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre à l’époque étaient des crétins. Ils faisaient selon leur bon sens, car les normes actuelles n’existaient pas », rappelle Michel Corbin. Néanmoins, il affirme aussi :

« Dans les années 80, il y a eu tout de même un fléchissement. On a réduit les épaisseurs des voiles, des dalles, d’où des immeubles fragiles ».

Et il est bien difficile de déterminer quels bâtiments concernés par la rénovation urbaine sont les plus dangereux en cas de séisme, lesquels tiendront debout ou pas. Chaque séisme étant différents, ses effets étant liés à nombre de paramètres, l’inconnue reste forte.

Patience, patience…

La Guadeloupe étant dans une zone à sismicité majeure, la rénovation urbaine est d’autant plus une priorité. Mais, malgré le danger qui pèse sur les zones à rénover, il est difficilement envisageable d’accélérer la rénovation, à cause « du temps de la construction » : « Il faut mener des opérations tiroir (ndlr : c’est-à-dire reloger les populations dans des logements pour détruire les anciens), tenir compte aussi du temps de sèche… », explique Michel Corbin. Michel Rincon avance d’autres raisons :

« C’est difficile de contracter les délais, car quand on veut faire les choses bien, il faut du temps. Et, pour accélérer la rénovation urbaine, il nous faudrait modifier le programme et cela entraînera des surcoûts, à cause des moyens humains et matériels supplémentaires que cela engendrera. Et il faut pour cela que l’Etat nous accompagne financièrement ».

Sources : Etude de vulnérabilité et rénovation urbaine des quartiers Chanzy, Bergevin et Henri IV, Etudes Pointe-à-Pitre – 971 ; Note synthétique de présentation du projet Ruzab, datée du 1er juin 2009, Ville des Abymes.

Publié dans Sept Magazine, n°1591, du 4 au 10 février 2010. 

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