Alors que la transition énergétique est devenue une priorité mondiale, la Caraïbe reste en retrait sur l’éolien. Pourtant, la ressource est là : un vent constant, parfois puissant, qui pourrait alimenter des milliers de foyers. Mais dans les faits, le solaire domine largement le paysage énergétique régional, et l’éolien ne décolle qu’à petites touches.
Le risque cyclonique, un frein majeur
Premier obstacle : le climat. Dans une zone régulièrement frappée par des ouragans, implanter des éoliennes classiques est risqué. Les vents extrêmes d’Irma ou de Maria, dépassant 250 km/h, auraient pulvérisé la plupart des installations standards. Des modèles « hurricane-proof » existent, mais ils coûtent beaucoup plus cher. Résultat : de nombreux projets restent au stade d’étude.
Des réseaux trop fragiles
Autre difficulté : la taille des réseaux électriques. Dans les îles, ils ne dépassent souvent pas 250 MW de capacité totale. Intégrer une source intermittente comme l’éolien implique des investissements lourds dans le stockage et la régulation. La Guadeloupe, par exemple, a intégré environ 40 MW d’éolien, mais doit constamment réguler pour éviter les déséquilibres.
Coûts logistiques élevés
Installer une éolienne dans une île, ce n’est pas comme sur un continent. Les pales, longues de dizaines de mètres, doivent être acheminées par bateau, puis transportées sur des routes étroites et souvent escarpées. Des grues spéciales doivent être mobilisées. Autant de surcoûts qui pèsent lourdement, alors même que les centrales thermiques au fioul restent subventionnées et compétitives.
Le solaire, concurrent plus simple
À ces obstacles s’ajoute une concurrence directe : le photovoltaïque. Plus simple à installer, plus facile à financer, il s’impose partout. La Caribbean Development Bank (CDB) estime que près de 90 % des projets renouvelables en cours dans la région concernent le solaire. L’éolien, lui, est relégué au second plan.
Exemples contrastés dans la région
- Jamaïque : le parc de Wigton (63 MW) alimente plus de 50 000 foyers et reste le plus grand projet éolien anglophone de la région. Mais il ne couvre qu’une petite part du mix énergétique national.
- République dominicaine : pays le plus ambitieux, avec plusieurs parcs totalisant plusieurs centaines de MW. Selon certaines études, le potentiel dépasserait 10 000 MW. Aujourd’hui, l’éolien représente environ 35 % des énergies renouvelables produites dans le pays.
- Curaçao : deux petits parcs totalisent 12 MW. Des projets offshore sont envisagés pour réduire les conflits d’usage du sol.
- Bonaire : pionnière, l’île tire 40 à 45 % de son électricité de l’éolien, l’un des meilleurs taux de la région.
- La Désirade, Guadeloupe : pionnière dès 1992 avec 20 petites éoliennes pliables, La Désirade dispose aujourd’hui de 6 machines de 275 kW. En Guadeloupe, le parc de Petite Place (2,5 MW) complète l’offre, mais l’éolien reste marginal par rapport au solaire et à la biomasse.
Acceptabilité sociale et environnementale
Dans des territoires où le paysage est un atout touristique, les éoliennes suscitent des résistances. Leur impact visuel est critiqué, tout comme les risques pour les oiseaux migrateurs et les chauves-souris. Les procédures administratives sont longues, et les oppositions locales fréquentes.
Quelles perspectives ?
Malgré ces freins, l’éolien caribéen n’est pas condamné. Des innovations apparaissent : éoliennes pliables ou rétractables, projets offshore flottants, hybridation solaire-éolien avec batteries. La Jamaïque, Curaçao et Bonaire montrent que c’est possible, à condition d’adapter les technologies et de sécuriser les financements.
Les chiffres clés de l’éolien dans la région
- 63 MW – capacité du parc éolien de Wigton (Jamaïque), le plus grand de la région anglophone.
- 40 à 45 % – part de l’électricité produite par l’éolien à Bonaire, record régional.
- 35 % – contribution de l’éolien dans la production d’énergies renouvelables en République dominicaine.
- 12 MW – capacité totale des deux parcs éoliens de Curaçao.
- 20 petites éoliennes installées dès 1993 à La Désirade (Guadeloupe), pionnière avec un système pliable anti-cyclone.