Après plusieurs années marquées par les crises successives – ouragan Irma, pandémie, inflation mondiale – l’économie de Saint-Martin montre enfin des signes de redressement. En 2024, la reprise s’affirme, mais elle reste fragile, freinée par les limites structurelles du territoire, selon le Rapport annuel économique 2024 – Saint-Martin, édition 2025, de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM).
Le tourisme tire la croissance, les grands chantiers publics redessinent le paysage, tandis que les tensions sociales et le vieillissement de la population pèsent encore sur la dynamique locale.
Le tourisme, moteur essentiel de la relance
C’est le secteur qui fait battre le cœur économique de Saint-Martin. En 2024, la fréquentation touristique du côté français atteint 97 % du niveau de 2019, avec 577 818 arrivées aériennes (dont 105 000 via l’aéroport de Grand-Case) et près de 1,4 million de croisiéristes.
Cependant, la comparaison reste rude : la partie néerlandaise capte 95 % des flux touristiques grâce à des infrastructures plus modernes et une offre hôtelière trois à quatre fois plus importante.
La relance du tourisme passe donc par une montée en gamme. La réouverture du Beach Hotel, rebaptisé The Whimsy Hotel & Spa (165 chambres, dont 40 suites), prévue en 2025, illustre cette ambition. À cela s’ajoute le développement de la croisière haut de gamme et la relance du concept de staycation pour séduire les résidents.
Des chantiers structurants pour préparer l’avenir
Côté public, la Collectivité investit massivement. En 2024, les recettes ont progressé de +21 %, permettant d’effacer le déficit de 2023 et de dégager un excédent de 5,7 millions d’euros.
Pour 2025, un programme d’investissement de 85 millions d’euros est engagé :
- construction de deux collèges à La Savane (42 M€) et au Quartier d’Orléans (24 M€),
- reconstruction d’équipements socioculturels à Sandy Ground et Grand-Case,
- création d’un centre technique de prévention et de gestion des risques (13 M€),
- modernisation du réseau d’eau et d’énergie.
Symbole fort : le port de Galisbay, poumon économique, bénéficie déjà d’une enveloppe de 3,2 M€ pour sa réhabilitation et prépare une extension majeure estimée à 143 M€ (2026-2028).
Un marché du travail sous tension
L’emploi se redresse timidement : 7 696 postes salariés fin 2024, soit +0,7 % sur un an. L’économie reste très tertiarisée (85 % des emplois), avec un poids important du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration.
Mais le chômage reste massif : 28,8 % de la population active, contre 7,3 % dans l’Hexagone. Les jeunes sont particulièrement touchés, et 41 % des projets de recrutement rencontrent des difficultés, surtout dans le commerce.
Démographie : un équilibre fragile
Après six années de déclin, la population se stabilise à 31 496 habitants en 2022. Mais le vieillissement s’accélère : les plus de 55 ans représentent désormais 24 % de la population, et la part des moins de 24 ans chute à 34,6 %.
Le solde migratoire reste négatif (-3,2 %), signe que de nombreux jeunes continuent de quitter l’île pour étudier ou travailler ailleurs. En parallèle, la population de Sint Maarten, plus dynamique, atteint 42 000 habitants (+1,8 % par an depuis 2012).
BTP et secteur bancaire : ralentissement net
Le BTP, pourtant vital pour la reconstruction, s’essouffle : la consommation de ciment chute de 83,7 %, après un sursaut lié à des achats anticipés. L’emploi reste stable, mais la reprise du secteur dépendra directement des grands projets publics.
Le secteur bancaire montre aussi des signes d’essoufflement. L’encours de crédits atteint 484 millions d’euros, en recul sur trois ans pour les crédits d’exploitation (-7,6 %). Les créances douteuses progressent à 2,1 % et les actifs financiers reculent de 5,4 %, à 529 millions d’euros, notamment du fait du repli des dépôts des entreprises.
Enjeux 2025 : moderniser, former, coopérer
La transformation du territoire passe par trois priorités :
- Moderniser les infrastructures essentielles (eau, énergie, assainissement) pour soutenir le développement économique.
- Renforcer la formation et l’emploi local afin de réduire le chômage structurel.
- Poursuivre la coopération avec Sint Maarten, indispensable sur les questions de transport, sécurité et environnement.
Un territoire à fort potentiel
Malgré ses fragilités, Saint-Martin reste un territoire à fort potentiel. Sa situation stratégique, sa double culture franco-néerlandaise et son attractivité touristique en font une vitrine singulière de la Caraïbe.
Si les grands projets annoncés se concrétisent et que la modernisation suit, 2025 pourrait bien marquer le début d’un nouveau cycle de développement durable pour l’île.