Dans un contexte de mondialisation exacerbée, les dirigeants caribéens ont vite compris que solitude égale faiblesse.
Depuis plus de trente ans, ils tentent de réaliser l’union économique et politique de la zone Caraïbe. Mais cette intégration régionale se fait avec beaucoup de difficulté, à cause des différences de poids et de culture entre les territoires et des interventions « bienveillantes » nord-américaines et européennes.
L’Association des États caribéens (AÉC) n’hésite pas à parler de « la Grande Caraïbe », pourtant la région n’est pas une, mais plurielle. L’espace caribéen comporte 38 territoires : ils sont soit continentaux – la Colombie, le Venezuela, soit insulaires comme Cuba, la Guadeloupe ou Sainte-Lucie.
Des États aux milliers de kilomètres carrés côtoient des îles minuscules. Certains territoires comptent plusieurs millions d’habitants, d’autres juste quelques milliers. L’écart entre le moins et le plus peuplés d’entre eux est considérable : 4000 personnes vivent à Montserrat, 102 millions au Mexique.
Les disparités économiques au sein de la Caraïbe sont aussi extrêmes. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEEE) des Antilles-Guyane, un Caïmanien est 100 fois plus riche qu’un Haïtien.
Ainsi, les Îles Caïmans, les Bermudes et les Îles Vierges britanniques affichent un Produit intérieur brut (PIB) par habitant supérieur à 35 000 dollars, alors que quatre États – Haïti, le Guyana, le Honduras et le Nicaragua – ont eux un PIB par habitant inférieur à 1000 dollars.
Malgré ces importantes différences, la majorité des gouvernants caribéens œuvrent dans le sens de l’unité.
Seuls, ils sont vulnérables. Ils n’ont guère de poids pour négocier, pas assez de finances pour entreprendre, se développer.
En 1973, 14 d’entre eux décident de créer la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Cette dernière établit une zone de libre-échange et pousse les Etats à mener ensemble des politiques en matière de santé, de commerce, d’industrie ou encore d’éducation.
Au cours des 35 dernières années, les pays-membres se sont rappro- chés, ont tissé des par tenariats. Un marché unique des Caraïbes (CSME) a même été mis en place fin janvier 2006. Un bémol néanmoins : seuls sept États – Jamaïque, Suriname, Trinidad, Tobago, Guyana, Belize et Barbade – en sont membres pour le moment.
Par ailleurs, la CARICOM présente plusieurs faiblesses : moins d’un tiers des territoires caribéens en sont membres et ont bien du mal à parler d’une seule voix, leurs intérêts divergeant souvent.
La ZLÉA, le futur de la zone Caraïbe ?
Les États caribéens ne sont pas les seuls à faire le choix des zones d’intégration régionale de ce coté de l’Atlantique.
En 1991, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay forment le Mercosur, le Marché commun du Sud. Trois ans plus tard, ce sont les États-Unis, le Canada et le Mexique qui signent un Accord de libre-échange nord-américain, l’ALÉNA.
La même année, le gouvernement états-unien annonce vouloir créer une énorme Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) qui engloberait à terme la Caraïbe, un projet qui jusqu’à présent ne s’est pas concrétisé.
Mais l’Association des États caribéens (AÉC), une organisation composée de 25 États membres et de cinq membres associés, a tout de même été créée en 1994 pour pouvoir négocier avec les États-Unis leur adhésion à la ZLÉA. Car le projet est tentant : cette zone représenterait plus de 800 millions de consommateurs.
Difficile de prédire quand et à quelles conditions les membres de l’AÉC vont accepter d’entrer dans la ZLÉA, lorsque celle-ci sera vraiment mise en place. Certains dirigeants, les Cubains et les Brésiliens notamment, sont hostiles à cet accord pour des raisons politiques : ils craignent de perdre une partie de leur souveraineté et d’être sous l’emprise des États-Unis.
D’autres Caribéens ont peur d’être désavantagés économiquement, à cause de la différence impressionnante des économies nationales.
Autre difficulté : certains territoires des Caraïbes ne sont pas indépendants.
Pour les Îles Vierges qui sont américaines et Porto-Rico librement associé aux États-Unis, la ZLÉA ne pose pas vraiment de problème.
Par contre, Anguilla, les Bermudes, les Îles Caïmanes, les Îles Turques et Caïques, les Îles Vierges britanniques et Montserrat appartiennent au Royaume-Uni, les Antilles néerlandaises et Aruba aux Pays-Bas, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane à la France. Les trois États européens ont donc leur mot à dire. Or, ils poussent dans une autre direction : vers toujours plus de partenariat économique et politique avec l’Union européenne.
Source : «Panorama de l’espace Caraïbe 2004», INSEE Antilles-Guyane.
Publié dans Le carrefour des opinions, 2008, volume 3.