Le rapport préliminaire du Comité Indépendant d’Experts, rendu public le 16 mai 2025 par la CTM et l’ARS Martinique, tire la sonnette d’alarme : l’exposition chronique aux émanations des sargasses représente un risque avéré pour la santé des Martiniquais. « Il ne s’agit plus de savoir si les sargasses ont un impact sanitaire, mais de mesurer l’ampleur des effets et d’agir sans délai », prévient le Pr Dabor Resiere, coordonnateur du comité.
Voici les 10 faits essentiels que j’ai retenus du rapport.
Une urgence sanitaire persistante
Depuis 2011, la Martinique est régulièrement confrontée à des échouements massifs d’algues sargasses, affectant près d’un tiers de sa population. Le phénomène s’intensifie en fréquence, durée et ampleur, entraînant des impacts sanitaires majeurs, notamment sur les personnes vulnérables (enfants, personnes âgées, femmes enceintes)
Une toxicité bien identifiée mais encore mal cernée
La décomposition des sargasses libère des gaz toxiques, principalement l’hydrogène sulfuré (H₂S) et l’ammoniac (NH₃), responsables de troubles respiratoires, neurologiques et digestifs. Les effets aigus sont documentés, mais les conséquences à long terme d’une exposition chronique restent insuffisamment connues.
Un toxidrome reconnu
Depuis 2018, un toxidrome sargasses a été identifié, regroupant une constellation de symptômes (toux, céphalées, vertiges, apnée du sommeil, troubles oculaires). Plus de 700 patients ont été pris en charge au CHU de Martinique en lien avec ce syndrome.
Le Collège Robert 3, symbole de la crise
Établissement régulièrement affecté par les échouements, le collège Robert 3 (Pontalery) a été fermé en avril 2025 après une nouvelle vague toxique. Les témoignages recueillis montrent l’ampleur du malaise sanitaire et social dans la communauté scolaire.
Des moyens encore insuffisants
Malgré la mobilisation du GIP Sargasses, les dispositifs actuels (barrages, collectes terrestres et marines) peinent à contenir l’invasion. Le manque de ressources humaines, logistiques et financières limite l’efficacité des réponses.
Un dispositif de santé à renforcer
Le CHU de Martinique a mis en place des consultations fixes et mobiles de toxicologie environnementale. Toutefois, la faible densité médicale et l’éloignement des populations freinent l’accès aux soins. Le besoin de renforts est urgent.
Des capteurs peu adaptés à l’évaluation des risques
Les capteurs d’H₂S et de NH₃ renseignent la qualité de l’air en temps réel, mais ne permettent pas d’évaluer la toxicité réelle pour les individus. Leur positionnement et leur interprétation posent problème pour une gestion sanitaire efficace.
Des recommandations nationales jugées inadaptées
Le Comité critique les recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) de 2018 et 2023, jugées obsolètes et déconnectées des réalités locales. Il appelle à une mise à jour tenant compte des études menées en Martinique.
Une stratégie “Sargasses-Santé” proposée
Le Comité recommande un plan d’action à trois niveaux : écoles (prioritairement le collège Robert 3), riverains et ensemble de la population. Il propose un suivi médical renforcé, des campagnes d’information, des actions de prévention ciblées et une meilleure coordination interinstitutionnelle.
Une approche One Health indispensable
La situation martiniquaise appelle une réponse globale intégrant santé humaine, environnement, collectivités et acteurs scientifiques. Le Comité insiste sur la nécessité d’une gouvernance durable, fondée sur les preuves et les besoins du territoire.
Regardez cette vidéo récente du préfet de Martinique sur l’importance de la catastrophe.
#Sargasses | Pour faire face aux échouages massifs de sargasses, le préfet a réuni l’ensemble des collectivités territoriales hier matin au Robert pour renforcer la coordination des actions de ramassage, en mer et à terre. Plusieurs décisions ont été prises à cette occasion ⬇️ pic.twitter.com/wpQ4Z44Wvy
— Préfet de la Martinique (@Prefet972) June 25, 2025