Startups à La Réunion : un écosystème en construction, entre promesses et fragilités

Depuis des années, je m’intéresse aux startups, que ce soit dans la Grande Caraïbe ou ailleurs. Observer les dynamiques entrepreneuriales dans d’autres territoires ultramarins me permet d’élargir mes perspectives, nourrir mes analyses. Dans ce cadre, je vous propose aujourd’hui un focus sur une étude récemment publiée récemment par l’IEDOM sur les startups à La Réunion.  Il s’agit d’une enquête riche, précise, qui met en lumière les forces mais aussi les fragilités de cet écosystème naissant.

Un écosystème modeste, mais diversifié

En 2024, l’IEDOM a recensé un peu plus de 70 startups à La Réunion. Parmi elles, seules une dizaine présentent un fort potentiel de croissance, répondant ainsi à la définition stricte d’une startup « scalable ». Le secteur de la santé (17 %), de la transition écologique (16 %) et des technologies numériques (big data, cloud, cybersécurité, 13 %) concentre l’essentiel des projets. On y retrouve également des initiatives dans l’éducation, le marketing digital, la mobilité ou encore l’agroalimentaire.

Cependant, la majorité de ces startups sont encore en phase d’idéation ou de création, ce qui explique leur faible chiffre d’affaires (8 sur 10 déclarent moins de 100 000 €) et des équipes réduites (moins de 5 salariés pour la majorité).

Un besoin d’accompagnement personnalisé

Les dirigeants interrogés insistent sur l’importance de leur profil dans la réussite du projet : le facteur “dirigeant” obtient une note de 4,7/5 dans l’enquête. Expérimentés (2 sur 3 ont plus de 40 ans), diplômés (93 % sont bac+2 ou plus), ils réclament pourtant un accompagnement managérial plus poussé, au-delà des incubateurs et accélérateurs classiques.

Un accompagnement par des mentors ou des comités d’experts locaux serait un levier décisif pour consolider leur stratégie, leur gestion ou leur développement commercial. Les startups dites « scalables » semblent, quant à elles, plus autonomes sur ce plan.

Le nerf de la guerre : le financement

Côté financement, les difficultés sont nombreuses. Si la levée de fonds reste rare (moins d’un quart y sont parvenues), 40 millions d’euros ont été mobilisés en 2024, dont les deux tiers pour les startups à fort potentiel. Les dirigeants soulignent toutefois que les aides publiques, bien que précieuses, sont souvent perçues comme complexes à obtenir : elles interviennent généralement après les dépenses, ce qui freine les plus jeunes structures.

Les business angels sont vus comme des acteurs clés pour combler ce manque, à la fois par leur apport en capital et leur expérience. Le financement bancaire, lui, reste limité à cause de la perception de risque élevée des projets.

Une mentalité à ajuster : penser comme une entreprise rentable

La conclusion de l’étude est claire : les startups qui réussiront seront celles qui penseront leur projet comme une entreprise traditionnelle. Cela signifie : un modèle axé sur la rentabilité, un lien fort avec le marché, et des clients dès les premières phases. L’étude met aussi en avant l’importance du “time to market” : savoir sortir un produit ou un service au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard, pour éviter l’échec.

Une étude utile… pour tous les territoires ultramarins

L’étude de l’IEDOM constitue une précieuse photographie d’un écosystème encore jeune, mais animé par des entrepreneurs déterminés. Elle met en lumière les freins structurels (taille du marché, éloignement, financement), mais aussi les leviers concrets d’action (mentorat, soutien public efficace, stratégie claire).

Les enseignements tirés pour La Réunion peuvent nourrir une réflexion plus large, notamment en Guadeloupe, en Martinique ou en Guyane. En effet, si chaque territoire a ses spécificités, les défis de l’innovation, de l’entrepreneuriat technologique et de la structuration d’un écosystème startup sont bien souvent partagés.

Mylène Colmar

Journaliste, consultante éditoriale et éditrice, je vis en Guadeloupe, archipel au coeur de la Grande Caraïbe. Caribbean blogger depuis 2007, je tiens Le blog de Mylène Colmar depuis 2015.
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