Axelle Constantin : « Ce que la pandémie m’a enseigné »

Les récents événements qui ont frappé le monde sont probablement parmi les plus dévastateurs auxquels nous ayons assisté en temps réel depuis ces dernières années.

Cette nouvelle décennie s’est ouverte sur une pandémie dévastatrice et destructrice, qui a fait des milliers de morts, et a marqué les mémoires pour longtemps.

Pendant le temps de confinement, j’ai eu le temps de méditer sur la situation, mais surtout sur notre comportement face à un état d’urgence mondial. Il est vrai que cette pandémie avait des airs d’apocalypse dignes d’un film de science-fiction. Mais les attitudes, elles, étaient paradoxales, tout en étant prévisibles.

La pandémie m’a appris que quand l’homme « moderne » se sent menacé, vulnérable, il surconsomme.

Les achats effectués sous la panique étaient le reflet même de ce que la société de consommation est capable de faire, et comment elle est capable de modeler le comportement humain. Une surconsommation égoïste.

La pandémie m’a appris qu’il faut sévir quand un peuple ne veut pas obéir. Voir des gens mourir par milliers ne suffit pas à certains pour qu’ils respectent d’eux-mêmes les règles de bonne conduite dans ce genre de situation de crise. Il faut mettre des amendes de plus en plus chères, et des sanctions plus sévères si on veut enfin qu’ils restent chez eux ! Qu’il n’y a pas d’autres moyens pour faire tenir un peuple en place !

Bien sûr, il y avait les « rebelles » qui n’en avaient que faire du virus, et qui préféraient braver les interdits, plutôt que de se confiner. S’ils ne craignaient pas pour leurs vies, allaient-ils se préoccuper de celles des autres ?

Il y avait des gens comme moi, qui attendaient patiemment, confinés, que l’orage passe. Ce ne fut pas simple, surtout quand, comme dans mon cas, on a l’habitude de sortir relativement souvent, et d’avoir des interactions sociales. Quand le fait de sortir est comme une bouffée d’oxygène entre deux partiels, entre deux nuits blanches ou avant de retourner travailler.

La pandémie m’a aussi révélé le danger de rester chez soi.

Si pour la plupart d’entre nous, nous avons de quoi nous occuper pendant un confinement national, de quoi nous divertir et un train de vie « moyen », relativement calme, d’autres au contraire se retrouvaient contraints de se confiner dans une situation invivable.

En fait, la pandémie a remis en lumière les plus vulnérables : les femmes battues, les enfants et animaux maltraités qui, de coutume, n’attendaient que le départ de leurs bourreaux pour profiter d’un moment sans trop d’anxiété. Ils se retrouvaient plus que jamais exposés à toutes sortes de violences, sans possibilité de s’évader. Et puis il y avait les personnes âgées ou en situation de handicap qui vivent seules… Qu’allaient-elles devenir ? Et les sans domicile fixe ? Où se confineraient-ils ?

La pandémie m’a aussi prouvé que pour sauver la planète, il faut une pandémie.

« 18 mois pour sauver la Terre » n’est pas assez alarmant pour une prise de conscience générale. Non. Il faut qu’un virus vienne nous contraindre à rester chez nous pour que la Terre et la nature reprennent un peu leurs droits, pour que nous puissions réaliser que nous sommes le problème. Il a fallu une pandémie pour inverser la courbe, parce que l’humain n’aurait jamais laissé son train de vie confortable, même pour la planète (qui en soi, lui donne son confort).

La pandémie m’a fait réfléchir sur le système dans lequel je vis. Sur les titres, sur le salaire et sur l’importance d’un statut social. Bien souvent, on a tendance à accorder plus d’importance, de respect, d’estimer plus les personnes haut placées dans la société. Les dirigeants, les hommes politiques, les PDG… Ceux qui gagnent plus, ceux qui ont plus de « pouvoir ». Cependant, ce sont rarement ces mêmes personnes qui soignaient nos malades, répondaient à nos interrogations sur l’état de santé d’un proche, nous procuraient un soutien moral, psychologique aussi bien que médical. Ce sont rarement les mêmes personnes qui faisaient passer le code barre devant la petite lumière rouge de la caisse, ou qui s’assuraient qu’on était moins de 100 dans le même magasin. Qui gardaient les prisons, qui devaient décider de qui serait débranché ou non…

En parlant de décisions de vie ou de mort, la pandémie m’a appris qu’en temps de crise, on débranche non pas les moins méritants, les moins estimables, mais ceux qui ont le moins de chances de s’en sortir.  Quand on doit faire un choix crucial dans ce genre de moment, on pense parfois un peu moins à l’éthique et un peu plus aux statistiques.

La pandémie m’a appris que les pays du nord ne sont rationnels que quand la raison joue en leur faveur. Pourquoi tester un vaccin anti covid-19 sur un continent qui ne compte en tout que 62 cas au début de son expansion sur son territoire, contre des pays comme l’Espagne ou l’Italie, où les morts se comptent par milliers ? La logique voudrait qu’on fasse les premiers tests là où la situation est la plus critique, non ? Pourquoi ce choix de faire des tests en Afrique ? Pourquoi est-ce aux Occidentaux de décider pour l’Afrique ? Encore ?

Quand il s’agissait de porter de l’aide aux pays africains dans une situation de crise, on a rarement vu un tel élan de solidarité, et tant bien même que ce fut le cas, il fallait se questionner quant aux intérêts qui dormaient encore derrière cette bonté du cœur.

Toutefois, la pandémie m’a aussi appris que l’Homme sait quand même se montrer solidaire.

Dénoncer par les réseaux. Mettre du baume au cœur par des chants qui s’élancent au-dessus des toits des quartiers. Apporter son soutien par des mots et des actions. Détendre l’atmosphère par de la dérision. Garder les esprits occupés par des challenges en ligne. Être inventif, créatif, inspiré. Se servir du fond du gouffre pour atteindre des sommets.

La pandémie m’a appris que si tout cela n’était qu’un test, une expérimentation perpétrée par un groupe qui dominerait sur tous les systèmes et tous les géants de ce monde, on observerait que quand l’Homme se tait, on entend la Terre. Que nous serions tous trop préoccupés à paniquer, à nous rebeller, à craquer sous la pression. Que quelques-uns, se démarquant par leur humanité, choisiraient de se serrer les coudes. Qu’il ne tient qu’à nous de savoir si nous voulons être l’un contre l’autre, ou ensemble contre le problème.

Comments

  1. Serge

    Eh oui, la pandemie a mis en lumières toutes ces contradictions, mais aussi, en regardant les dynamiques socio-politiques et économiques à l’échelle globale, elle a montré une nouvelle logique qui governe la planète: celle de la permutation. Cette notion chère à Achille Mbembe qui désigne les mécanismes politico-capitalistes par lesquels les pays du Nord deviennent victimes des mêmes vicissitudes que connait l’Afrique depuis des décennies.

  2. Herby D

    Merci pour l’article. Belle réflexion.
    Mais je me demande est-ce que ces petites choses bizarres peuvent protéger quelqu’un d’une maladie? Juste un masque au visage, en bas nez ou au menton, une protection réellement? Wow ! Je suis perdu.
    Ces mesures représentent rien à mes yeux… Ne pas vouloir porter un masque n’a rien à voir à ne pas vouloir me protéger ou protéger les autres? A mon humble avis, on nous transforme en idiots en nous efforçant ces mesures…

    L’auteur plaigne à propos des grands pays qui vont en Afrique qui ont de très faible cas de mortalité de COVID-19 pour essayer leur vaccin, mais l’auteur ne cite pas que les pays de l’Afrique, des Caraïbes et pourquoi pas le monde portent des masques au visages soit sur la recommandation de ces grands pays, soit en les regardant porter des masques.

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