J’ai mis en exergue dans un billet de blog comment l’intelligence artificielle pouvait faire sauter des sempiternelles barrières dans la Grande Caraïbe.
Dans d’autres parutions, j’ai expliqué que j’utilise déjà au quotidien différents outils IA et que, même s’ils bouleversaient mon secteur, je n’en avais pas peur.
J’ai eu envie de revenir sur un point que j’ai noté : dans la Caraïbe, cette révolution technologique suscite de nombreuses inquiétudes. Entre fragilités économiques, craintes identitaires et manque de régulation, l’IA est souvent perçue comme une menace plus qu’une opportunité.
Des emplois menacés dans des économies déjà fragiles
La première peur concerne le travail. Dans plusieurs territoires caribéens, de nombreux jeunes s’orientent vers des métiers liés aux services, au tourisme, à la communication, le marketing. Or, ce sont précisément ces secteurs que l’IA risque d’automatiser. Face à un chômage déjà élevé, l’idée d’une vague de licenciements alimentée par des machines inquiète fortement.
Une dépendance technologique accrue
La Caraïbe ne développe pas, ou très peu, ses propres solutions en intelligence artificielle. La majorité des outils viennent des États-Unis, d’Europe ou de Chine. Cette dépendance nourrit la crainte d’une perte de souveraineté numérique : qui contrôle les données et les usages, sinon les grandes puissances étrangères ?
Une fracture numérique persistante
Dans plusieurs îles, l’accès à Internet reste inégal et coûteux. Certains foyers n’ont même pas une connexion stable. Comment imaginer profiter des avancées de l’IA dans de telles conditions ? Beaucoup redoutent un élargissement du fossé entre ceux qui auront les moyens d’utiliser ces technologies et les autres, laissés à l’écart.
Une menace pour les langues et cultures locales
Autre sujet sensible : l’identité caribéenne. Les IA génératives sont principalement formées sur des données en anglais, espagnol ou français « globalisés ». Les langues créoles, les références culturelles caribéennes, les expressions locales y sont largement absentes, d’où la crainte que ces outils participent, à terme, à une forme d’effacement culturel.
Un vide réglementaire préoccupant
Alors que l’Union européenne a adopté un AI Act et que les États-Unis mènent un débat public intense sur la régulation de l’IA, la Caraïbe avance à tâtons. Peu de territoires ont défini un cadre légal clair concernant l’utilisation des données, la protection contre les dérives de la surveillance.
La peur de l’IA dans la Caraïbe n’est donc pas une simple réaction instinctive. Elle traduit des réalités profondes : vulnérabilité économique, fracture numérique, enjeux culturels, absence de régulation. Reste une question cruciale : la région choisira-t-elle de subir l’IA, ou de la penser comme un outil à adapter à ses propres besoins ?