Conférence « La Caraibe en actes » : Histoire, institutions et coopération décryptées

A l’occasion de son vingtième anniversaire de la Médiathèque Caraïbe Bettino Lara, Laméca, le conseil départemental a organisé deux conférences sur la Caraïbe, jeudi et vendredi derniers, à la résidence départementale à Gosier, en Guadeloupe.

Je n’ai pas pu assister à la première, puisque j’étais en Martinique. J’avais donc encore plus envie d’être présente pour la seconde. Par ailleurs, le sujet « La Caraïbe en actes : une réalité constratée » a retenu mon attention.

Vendredi soir, j’y étais. Je ne vais pas vous raconter toute la conférence, bien sûr. Comme d’habitude, je préfère vous livrer ce que j’ai retenu des trois interventions de la soirée.

Jean Barfleur sur la caribéanité suivant un fondement ontologique, un champ existentiel

« Notre civilisation a été construite et sera construite par la Mer. Celle-ci est centrale, mais nous n’en avons pas conscience. » « Notre insularité nous a construit, nous construit et nous construira. »

« Il est essentiel du point de vue de la connaissance de la trajectoire de notre civilisation de comprendre ces deux siècles : le XVIe et le XVIIe. »

Et d’expliquer que ces deux siècles sont ceux d’une « transition de l’Ancien vers le Nouveau monde ». Ils constituent ainsi l’un des socles des ce que nous sommes nous Caribéens aujourd’hui », parce qu’« il y a eu un transfert phénoménal de connaissances, de savoirs, d’adaptation à cet espace insulaire, de transmission de cette insularité aux nouveaux arrivants ».

« Vous ne comprendrez rien aux décisions d’Ignace, si vous ne comprenez pas cette insularité et les habitudes liées à celle-ci. On ne comprendra pas non plus les mouvements de marronnage maritime qui ont secoué la Guadeloupe entre 1835 et 1845. »

Fred Reno sur les institutions post-coloniales de la Caraïbe anglophone

« Les institutions politiques de la Caraïbe ne sont pas caribéennes. Elles sont d’abord héritières de la colonisation européenne. » Les institutions sont des reproductions des européennes, mais sont aussi le fruit de « réinterprétations » suivant les cultures caribéennes.

Fred Reno a souligné que pour les territoires caribéens concernés, « le gouverneur général est officiellement nommé par la Reine d’Angleterre, mais après avis du Premier ministre local. »

A noter qu’il y a 9 monarchies parlementaires dans la Caraïbe : Antigua-et-Barbuda, Bardade, Bahamas, Belize, Grenade, Jamaïque, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis et Saint-Vincent-et-Grenadines. Elles ont toutes un gouverneur général «  officiellement nommé par la Reine d’Angleterre, mais après avis du Premier ministre local. » Il y aussi a deux républiques parlementaires : la Dominique et Trinidad.

Julien Merion sur la coopération régionale entre mythe et réalité

« Il est indéniable qu’il y a une dimension mythique de la Caraïbe. On imagine la Caraïbe avec une forte et grande identité, et où nous, Caribéens, nous nous tenons la main par la main. Et il y a cette réalité qui est différente, avec une difficulté à établir des échanges et une prégnance d’un certain nombre de relations héritées de la période coloniale ».

Et d’ajouter : « La relation nord-sud est plus élevée que la relation sud-sud, autrement dit le vertical, l’emporte sur l’horizontal. »

« Cet espace conjugue les extrêmes : pauvreté et richesses, grands et micros espaces, territoires indépendants et pays souverains, spécialisation et diversification. »

A noter qu’« un territoire sur 3 de la Grande Caraïbe est non souverain, dépendant ou d’un Etat européen ou des Etats-Unis ».

Après ce préambule, Julien Mérion a développé comme premier point « la coopération, un idéal plus qu’une réalité » : « c’est une vieille idée ». Et pour le démontrer, il a notamment cité Schoelcher qui a écrit dans son livre Les Colonies françaises de 1852 :

« En examinant la position des Antilles au milieu de l’océan, en regardant sur la carte où on les voit presque se toucher, on est pris de la pensée qu’elles pourraient bien, un jour constituer ensemble un corps social à part dans le monde moderne, comme les îles loniennes en formèrent un (…). Elles seraient unies confédérativement par un intérêt commun et auraient une marine, une industrie, des arts, une littérature qui leur seraients propres. Cela ne se fera peut-être pas dans un, dans deux, dans trois siècles, mais cela se fera parce que c’est naturel ».

Extrait tiré d’Ecrits créoles, 1941-1948, de Rémi Nainsouta.

« Sur le plan économique, certains pays ont pu avancer dans les échanges. Mais, de manière fondamentale, aujourd’hui, dans l’espace régional, le commerce nord-sud est bien plus important que le commerce sud-sud. »

« Nous sommes là victimes d’un cadre politique particulier, marqué par la fragmentation de l’espace. La coopération se développe généralement dans des limites frontalières, elle est transfrontalière. Mais ici, la frontière est la mer, d’où des conditions difficiles pour établir un commerce moderne. De plus, l’espace est dépendant » de puissances.

« Notre espace est porteur d’identité qui crée la volonté, justifie l’idéal (ndlr : de coopération), mais néanmoins cela  suffit point, d’où la nécessité de l’impulsion institutionnelle. ».

A propos de cette impulsion institutionnelle, Julien Mérion a expliqué que les résultats sont mitigés : «  sur le plan commercial, il n’y a pas plus de 10% du volume d’échanges » entre les territoires de la zone.

Cependant, « dans un certain nombre de domaines, des progrès sont en cours » : le sanitaire, la coopération universitaire, culturelle.

Enfin, Julien Mérion a souligné que « la coopération populaire est une étape décisive pour une véritable coopération ».

« La configuration de la région fait que la coopération entre les gens a toujours été une réalité parce que c’était naturel ».

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