Déclaration de Pétion-ville : quels espoirs pour la Grande Caraibe ?

A l’occasion du Ve Sommet de l’Association des États de la Caraïbe (AEC), qui avait lieu du 23 au 26 avril derniers, en Haïti, les chefs d’Etat et de gouvernement présents ont signé la Déclaration de Pétion-ville, un texte visant à fixer, rappeler, les axes majeurs de la construction de la Grande Caraïbe.

Compte tenu de mon intérêt marqué pour le sujet, j’ai lu cette Déclaration avec attention. Voici ce que j’en ai retenu, ainsi que mes quelques réflexions.

« 4. Nous réitérons la volonté d’accomplir les mandats de nos Sommets antérieurs et de travailler en vue de stimuler la coopération dans les domaines du patrimoine culturel, de l’éducation, de la science et de la technologie dans la Grande Caraïbe. »

Autant vous dire que les gouvernants reconnaissent à demi-mot qu’ils n’ont toujours pas rempli les multiples engagements pris lors des sommets précédents, ce qui ne permet pas d’être vraiment optimiste concernant cette présente Déclaration.

« 6. Nous réaffirmons le besoin d’avoir une stratégie qui permettrait aux programmes et projets de l’Association de converger vers l’objectif principal de produire des résultats tangibles ayant un impact net sur le développement régional. »

Quelle est donc cette « stratégie » manquante qui empêche une construction bien plus rapide et efficace de la Grande Caraïbe ? Je continue de m’interroger sur le sujet.

Cependant, la suite de la Déclaration ne laisse guère augurer des avancées majeures pour la Grande Caraïbe, à court (ou même moyen) terme. Beaucoup de points ne sont que des affirmations déjà lues et répétées maintes fois par les gouvernants caribéens. La preuve en chiffres. Ce texte de 40 points comporte : 5 « nous réitérons »,  4 « nous réaffirmons », 17 « nous reconnaissons » et, c’est sans compter les variantes « nous rappelons », « nous prenons note », etc. En somme, beaucoup de constats, de rappels, de promesses.

Venons-en aux points les plus intéressants, non parce que ce sont des décisions fermes, mais du fait qu’ils soulèvent des problématiques pertinentes.

« 11. Nous rejetons fermement les évaluations, listes et certifications unilatérales, particulièrement celles faisant allusion au terrorisme, au trafic de drogue, au trafic humain et autres de nature similaire. »

La Grande Caraïbe souffre de cette image largement véhiculée à l’international d’une région à risques multiples, dont ceux mentionnés dans ce point. Il ne saurait être question de nier ces problématiques, mais il est aussi vrai que la Caraïbe ne peut se résumer à celles-ci et que la multiplicité des territoires qui la composent rend difficile l’établissement de statistiques pertinentes sur la zone.

« 26. Nous reconnaissons et soutenons la collaboration étroite entre l’AEC et les organisations régionales spécialisées, comme l’Agence Caribéenne de Gestion des Urgences en cas de Catastrophe (CDEMA), le Centre de Coordination pour la Prévention des Catastrophes Naturelles en Amérique Centrale (CEPREDENAC), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Bureau des Nations Unies pour la Réduction des Risques de Catastrophes (UNISDR), la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), ainsi que l’Organisation Panaméricaine de la Santé (OPS), entre autres. »

L’une des grandes préoccupations pour les îles caribéennes en particulier, ce sont les moyens pour faire face aux dégâts engendrés par les catastrophes naturelles. Les organisations sont pléthoriques, mais ont souvent, au moment d’intervenir, du mal à s’organiser. L’entraide et la solidarité caribéennes existent, mais pas encore de manière optimale. Beaucoup de progrès restent donc à faire en la matière.

« 28. Nous recommandons le renforcement des différents moyens de transport terrestres, aériens et maritimes, ainsi que la connectivité aérienne et maritime, qui contribueront à l’unification des nations de la Grande Caraïbe. » 

Ai-je encore besoin de souligner combien cette question non-réglée du transport inter-caribéen est horripilante, pour les voyageurs caribéens en premier lieu, mais aussi pour le tourisme et plus généralement l’intégration régionale ? A lire cet intéressant article (en anglais) de David Jessop sur le sujet. Il est vraiment temps que les gouvernants caribéens proposent des solutions concrètes.

« 31. Nous exhortons les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention créant la Zone de Tourisme Durable de la Caraïbe (ZTDC) et son Protocole afin que les deux instruments puissent entrer en vigueur. Par ailleurs, nous nous engageons à accélérer la mise en œuvre de leurs engagements dans le cadre de la ZTDC. » 

Cela fait plus de 10 ans – depuis 2001 – que ce projet de Zone de Tourisme Durable de la Caraïbe se met en place, tant bien que mal.

Par ailleurs, je ne pouvais pas ne pas relever le point 36 :

« Nous accueillons avec satisfaction la volonté des régions françaises de la Caraïbe de devenir Membres Associés de l’AEC en leur nom propre, et nous nous félicitons de leur participation active aux différents comités de l’Association. »

Une délégation menée par Victorin Lurel, le ministre des Outre-mers français, était présente pour l’occasion.  

Enfin, à la fin de la Déclaration, deux hommages sont rendus.

L’un à Hugo Chavez :

« 38. (…) Le Président Hugo Chavez a toujours fait preuve d’un profond respect et amour pour les pays de la Grande Caraïbe. Nous le remercions et reconnaissons son engagement avec la région et son effort pour construire des voies solidaires de coopération, contribuant ainsi a améliorer la qualité de vie de nos peuples, renforçant l’intégration et resserrant les liens d’amitié entre nos gouvernements. »

La plupart des gouvernants caribéens ne désirent en ce moment qu’une chose en rapport avec l’arrivée récente au pouvoir de Nicolas Maduro, le successeur de Chavez : que soient poursuivies les largesses vénézuéliennes via les fonds de PetroCaribe.

L’autre à Haïti :

« 39. Nous exprimons (…) notre admiration pour la nation haïtienne. Le monde a une dette de gratitude envers le peuple haïtien, qui fut le premier à abolir totalement l’esclavage, offrant ainsi la possibilité de devenir citoyens à tous les êtres humains. »

Hôte de ce Sommet, Haïti avait déjà accueilli une réunion intersessionnelle de la Communauté caribéenne, dite Caricom, en février dernier.

Ce pays souhaite jouer un rôle de « leader » dans la construction de la Grande Caraïbe, en être le moteur. J’espère que cette volonté à maintes reprises soulignée se traduira par quelques avancées, et pour Haïti, et pour la région caribéenne.

Billet publié le 30 avril 2013 sur mon précédent blog et légèrement modifié. 

Comments

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