Je suis Mylène Colmar. Journaliste, consultante éditoriale et éditrice en Guadeloupe, j’ai créé ce blog en 2015 pour raconter ma région, ses acteurs et enjeux.

Frappes américaines dans la mer des Caraïbes : 5 grands enjeux pour la région
Depuis la série de frappes dans la mer des Caraïbes ordonnées par Washington en 2025, beaucoup se focalisent sur les aspects juridiques. C’est important, mais la vraie question pour la Caraïbe est ailleurs : qu’est-ce que cela change pour les États de la région ? La réponse est simple : beaucoup. Trop. Et pas dans le bon sens.
Une militarisation accélérée de la zone Caraïbe
La mer des Caraïbes n’est pas un espace neutre. C’est une artère commerciale, touristique, migratoire et énergétique. En y déployant porte-avions, F-35, drones MQ-9 et 10 000 soldats, les États-Unis redéfinissent unilatéralement le cadre sécuritaire régional.
Cette montée en puissance crée plusieurs réalités nouvelles :
- Washington considère désormais certains segments maritimes comme zones d’opérations permanentes.
- Les forces navales caraïbéennes, peu équipées, se retrouvent marginalisées dans leur propre espace.
- La surveillance maritime, jadis coopérative (Opération Tradewinds, JIATF-South), devient dominée par le Pentagone.
La dynamique n’est pas temporaire. Elle installe la Caraïbe dans une militarisation durable, qui ne dépend plus des États de la région.
Les États insulaires face à un dilemme stratégique
La majorité des petits États de la Caraïbe — Antigua, Jamaïque, Sainte-Lucie, Dominique, etc. — sont placés devant un choix impossible :
- s’aligner sur Washington pour éviter les représailles diplomatiques.
- dénoncer les frappes, au risque d’être accusés de “faiblesse face au narcotrafic”.
Le vrai problème est là : les territoires de la Caraïbe n’ont pas les moyens militaires, diplomatiques ou économiques pour imposer une position autonome.
Conséquences prévisibles :
- Les prises de position à l’ONU resteront timides.
- Les organisations régionales (CARICOM, OECS, ACS) risquent de se diviser.
- Les États auront tendance à se taire, même face à des frappes contestables ou des bavures.
Une dépendance qui s’accentue.
Le Venezuela au centre du risque d’escalade
Les frappes servent aussi de pression directe sur Caracas. Nicolas Maduro a déjà déclenché de vastes exercices militaires (« Sovereign Caribbean 200 »), mobilisé ses bases côtières et menacé de ripostes. Le risque n’est pas une guerre totale. Le risque est plus subtil :
- accrochages maritimes,
- tirs d’avertissement,
- interceptions musclées,
- erreurs d’identification dans des eaux encombrées.
Une bavure contre un navire vénézuélien, et l’ensemble de la région en subit le contrecoup : migrations, pétrole, stabilité politique, corridors maritimes.
La Caraïbe devient un théâtre de rivalités globales
La zone était déjà concernée par la présence croissante de :
- la Chine (ports, infrastructures, prêts)
- la Russie (soutien diplomatique au Venezuela)
- l’Iran (coopérations militaires ponctuelles avec Caracas).
Les frappes américaines ouvrent une nouvelle séquence : réaffirmation de la doctrine Monroe — la Caraïbe comme zone d’influence exclusive. Cela force les pays de la région à clarifier leurs partenariats, parfois à contre-cœur.
Les États côtiers comme la Colombie et le Mexique pris de court
Ces deux pays sont directement concernés par les trafics maritimes. Pourtant, ils n’ont pas été consultés, leurs pêcheurs sont parfois touchés, leurs eaux proches deviennent des zones de danger. La famille d’un pêcheur colombien tué a déjà porté plainte devant la Commission interaméricaine des droits humains.
Risques 2026 : ce qui se dessine
Si la tendance actuelle se poursuit, 2026 pourrait marquer :
- Une multiplication des frappes – Trump a promis d’intensifier l’opération. Cela veut dire : plus de drones, plus de zones d’interdiction, plus de risques de dommages collatéraux.
- Un affaiblissement du droit maritime international dans la région – Si la haute mer devient un espace où une puissance mène des exécutions ciblées, alors la CNUDM perd son sens dans la Caraïbe. Cela ouvre la porte à d’autres entorses : blocus, interceptions abusives, pressions navales.
- Une hausse des migrations régionales – Chaque montée de tension avec le Venezuela ou la Colombie crée des flux migratoires. La région n’y est pas préparée.
- Une région fragmentée politiquement – 2026 pourrait voir une Caraïbe divisée en trois blocs : États alignés sur Washington / États neutres mais silencieux / États contestataires (principalement Venezuela, Cuba). Et dans cette fragmentation, les petits États perdent toute marge de manœuvre.







