Grande Caraibe : Huawei, un acteur source de tensions

La bataille mondiale pour la suprématie numérique se joue aussi dans la Grande Caraïbe. Dns plusieurs territoire, l’entreprise chinoise Huawei s’impose comme un partenaire incontournable pour le déploiement des réseaux de télécommunications 4G et 5G. Une présence qui suscite autant d’opportunités que de crispations.

Une implantation rapide et stratégique

Au cours de la dernière décennie, Huawei a multiplié les contrats avec des opérateurs caribéens. En République dominicaine, un accord signé en 2019 a permis de lancer les premières expérimentations 5G. À Cuba, la société est un fournisseur majeur de l’opérateur public Etecsa pour la 3G et la 4G. En Jamaïque, Digicel s’est appuyé sur ses infrastructures pour renforcer son réseau mobile. Trinidad-et-Tobago, Antigua-et-Barbuda ou encore les Bahamas ont également bénéficié de ses équipements.

La force de Huawei ? Proposer des solutions clé en main, intégrant antennes, backbone et logiciels, à des coûts souvent inférieurs à ceux des concurrents européens (Nokia, Ericsson) ou américains. Dans des pays où les budgets sont contraints et la demande de connectivité en forte croissance, le choix paraît presque évident.

Une Caraïbe en quête de connectivité

La région souffre d’un déficit d’infrastructures numériques. Les coupures fréquentes, la faible couverture en zones rurales et le coût élevé de l’accès à Internet freinent son développement économique. Pour les gouvernements et opérateurs, s’appuyer sur Huawei, leader mondial de la 5G, est une manière de rattraper le retard et d’offrir à la population un service plus performant.

Le pari : le numérique est désormais central pour le tourisme, la finance, la logistique portuaire et même la gouvernance. La pandémie de Covid-19 a montré combien une infrastructure solide conditionne la continuité des activités économiques et sociales.

Les États-Unis en embuscade

Cependant, cette montée en puissance ne se fait pas sans tensions. Washington accuse depuis plusieurs années Huawei d’entretenir des liens trop étroits avec Pékin et d’être un potentiel vecteur d’espionnage. Les États-Unis ont appelé leurs alliés, y compris dans la Caraïbe, à limiter ou bannir ses équipements.

Dans certains cas, la pression a fonctionné : certains pays hésitent à étendre leur collaboration, redoutant des sanctions américaines ou une perte de financement international. D’autres, en revanche, poursuivent leurs partenariats avec Huawei, considérant que l’accès à une technologie avancée prime sur les considérations géopolitiques.

Une équation complexe pour la Caraïbe

La Caraïbe se retrouve ainsi au cœur d’un bras de fer technologique qui la dépasse.

Entre promesse de modernisation rapide et crainte d’ingérence, les gouvernements doivent arbitrer entre plusieurs priorités :

  • Réduire la fracture numérique en offrant un accès Internet fiable et abordable ;
  • Maintenir de bonnes relations diplomatiques avec les États-Unis, premier partenaire économique de la région ;
  • Tirer parti des investissements chinois, qui vont bien au-delà des télécoms (ports, routes, énergie).

Et demain ?

La question n’est pas seulement technique. Elle est éminemment politique. La montée en puissance de Huawei dans la Caraïbe illustre la manière dont la région devient un terrain d’influence stratégique pour les grandes puissances. Reste à savoir si les États caribéens sauront transformer cette compétition en opportunité, en négociant des partenariats équilibrés, qui garantissent à la fois l’accès à des infrastructures modernes et la préservation de leur souveraineté numérique.