Grande Caraibe : ô rage, ô désespoir, ô sargasses ennemies !

Ces dernières années, les Caribéens ont dû faire face à deux maux jusque-là méconnus : le zika et les sargasses. Et les deux restent toujours d’actualité.

Le zika, maladie transmise par des moustiques, j’aurai l’occasion d’en parler à nouveau sur ce blog.
Cependant, le sujet de ce billet, ce sont les sargasses qui ont fait leur retour dans la région depuis quelques semaines déjà, mais qui s’échouent de manière plus massive ces derniers jours.

Nombre de territoires caribéens sont bien sûr concernés. Quelques exemples.

  • En Guadeloupe

Pour en savoir, consultez la synthèse publiée par la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL), le 12 juin dernier.

  • A Saint-Barthélemy
  • En Haïti

« La mer de Jacmel (Sud-Est) est envahie par des algues sargasses, cette espèce qui vit dans l’océan et qui se reproduit en quantité. » – Radio Television Caraibes, le 3 avril 2017.

  • A Saint-Martin

« Depuis une quinzaine de jours, les échouages de sargasses se sont intensifiés sur les plages de Saint-Martin. ‘La saison recommence, il y en a tout le long de la plage sur presque un mètre de hauteur » rapporte le brigadier Ismaël depuis la plage de Coralita.’ – Soualiga Post, le 12 mai 2017.

  • Aux Îles Vierges Britanniques

« The government has announced that the seasonal floating weed, known as Sargassum Seaweed, has returned and has “increased in indefinite amounts”. » – BVI News, le 10 mai 2017.

Traduction « Le gouvernement a annoncé que l’algue flottante saisonnière, connue sous le nom d’algue sargasse, est revenue et s’est amassée en nombre indéfini ».


Que sont ces sargasses ? D’où viennent-elles ? Et surtout, pourquoi sont-elles là ? Petit point rapide.

1. Les sargasses sont des algues brunes qui restent en surface dans la mer, grâce à des petits flotteurs.
2. La provenance des sargasses n’est en rien liée à la mer des sargasses. Les algues brunes viennent en réalité du large du Brésil, plus précisément du Nord de l’embouchure du fleuve Amazone.
3. Ces sargasses se sont démultipliées à cause de la destruction massive de la mangrove d’Amérique latine qui servait de barrière aux nutriments dont elles se nourrissent. Une catastrophe environnementale d’ampleur, qui s’expliquerait par la déforestation et l’urbanisation incontrôlées en cours. Des scientifiques font même le lien entre la prolifération des sargasses et le dérèglement climatique et ses effets néfastes sur l’environnement.

Des conséquences multiples et (très) néfastes

Ok, les sargasses, ce n’est pas très beau sur les plages de sable blanc, ni très agréable quand on se baigne. Cependant, les conséquences ne se limitent pas à cela, d’où les vives préoccupations. Elles sont de différents types :
1. Sanitaire : échouées sur les côtes, en décomposition, les sargasses dégagent des odeurs nauséabondes et un gaz nocif, d’où l’inquiétude pour sa santé de la population les respirant tous les jours.
2. Economique : des habitants ont affirmé que leurs appareils électroménagers, leurs machines professionnelles, avaient été endommagés par les éléments toxiques dégagées par les algues.
Et les professionnels du tourisme craignent une baisse de la fréquentation à cause de la mauvaise image des côtes et plages envahies par ces sargasses.
3. Biologique : cette invasion des sargasses entraine une altération de la qualité de l’eau et la destruction des coraux en raison du manque de passage de la lumière. En plus, elle freine la ponte des tortues marines, dérangées par la masse d’algues sur les plages.

Et donc, maintenant, on fait quoi ?

Les sargasses de retour, encore et encore, les problèmes reviennent aussi. Il faut bien trouver des solutions.
Bien sûr, la logique est de les ramasser. C’est ce que nombre de pays caribéens ont fait ces dernières années, ce qui a occasionné des dépenses de plusieurs millions d’euros. Plusieurs machines ont même été inventées pour ce faire.

A noter que la DEAL a publié récemment un « Guide pratique pour le ramassage des sargasses en Guadeloupe ».

Cependant, que faire de toutes ces tonnes de sargasses collectées ? Les projets ne manquent pas. En voici deux, pour exemples.

  • A Sainte-Lucie

« Le projet est intitulé ‘L’enlèvement et l’utilisation des Sargasses de la côte Est de Sainte-Lucie pour créer du compost organique pour l’industrie agricole’. Ce projet est encore en cours d’exécution et donnera bientôt à Sainte-Lucie sa première usine de fabrication de bio-engrais. » – France-Antilles du 12 avril 2017.

  • En Guadeloupe

La société NST veut transformer les sargasses en charbon, puis en électricité.

« Franck Saint-Martin : Les sargasses sont d’abord de la biomasse donc ces algues entrent pleinement dans notre procédé de transformation, et peu importe qu’elles soient humides. D’ailleurs, sur ce point, nous collaborons avec l’université des Antilles et notamment le laboratoire Covachim. Ensemble nous travaillons sur l’idée de transformer le charbon en charbon actif. » – Caraibe agricole du 26 mai 2017.

Enfin, qui dit phénomène environnemental, dit expédition

Comme le zika, les sargasses renferment leur part de mystère. J’ai appris hier, par un utilisateur de Twitter, que des scientifiques de l’Institut Méditerranéen d’Océanographie étaient en expédition dans la Caraïbe ce mois-ci.

« Les scientifiques du MIO (Institut Méditerranéen d’Océanographie) prennent le large en ce mois de Juin en direction des Caraïbes. L’objectif de la mission est de comprendre quels mécanismes sont à l’origine de la prolifération d’une algue brune envahissante, la Sargasse. »

Pour les suivre sur Twitter : @ExpeSargasses.

On en saura donc plus sur le phénomène dans les prochains mois.

En attendant, comme pour le zika, il va falloir faire avec, vu qu’aucune solution pour contrer le phénomène, le résoudre durablement, n’a été trouvée pour le moment.

Comments

  1. Denis Jimenez

    Sargaboat et son concept, le seul approuvé par la Florida Atlantic University et TUDelft Netherland !
    Et comme chaque années les radeaux sargasses de plusieurs kilomètres carré arrivent… le gouvernement a dépensé plus de 11 millions d’euros en études et machines diverses totalement inefficaces… un rapport de l’ANSES vient de mettre à jour la présence de métaux lourds et demande une extrême vigilance auprès des ramasseurs manuel…. Tous confirment que la meilleure option « sanitaire, écologique, économique, recyclage » est le ramassage en mer alliée à l’utilisation de filets!
    Sargaboat et Sargatrailer, la solution et ses avantages en détail sur notre site internet!

  2. Christelle

    Hello !
    C’est « marrant » (plutôt triste en vrai) que tu mentionnes les sargasses dans un article aussi récent. Je me posais la question justement de savoir s’il y en avait encore sur nos plages. J’ai l’impression que cette année en Martinique ça allait, du moins, pendant mes vacances. Mais je me rappelle assez bien des odeurs désagréables et de l’ampleur que ça avait eu il y a quelques années.
    Merci pour toutes ces précisions. C’est intéressant de vraiment comprendre d’où viennent ces algues.

    1. Mylène

      Salut Christelle. J’en avais déjà parlé sur le blog, mais je n’y avais jamais encore consacré un billet de blog. Je ne sais pas très bien pourquoi… Mais c’est chose faite maintenant. Oui, c’est vraiment triste, désespérant, ces sargasses qui reviennent toujours. Et ces derniers jours, il y a des vagues d’échouage importantes, malheureusement.
      Merci d’avoir lu, commenté et partagé le billet.

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