J’ai expliqué dans un récent billet de blog pourquoi et comment Axelle Kaulanjan et moi avons créé fin avril Debriefing Caraïbe, un format de débat en direct et en ligne sur un enjeu caribéen. La première qui s’est déroulée fin avril a donné lieu à de vifs échanges. Vous pouvez regarder la vidéo sur Youtube.
J’ai débuté le débat par une introduction d’environ 10 minutes. Axelle m’a ensuite répondu. J’ai eu envie de la mettre en ligne sur ce blog, afin de garder une trace, mais aussi de donner envie à ceux qui ne l’ont pas encore fait d’aller regarder la vidéo. La voici donc.
Mon propos s’appuie sur des années d’interviews d’acteurs caribéens, de recherches, de lectures, de participations à des conférences sur la coopération régionale, etc. Moi-même, j’en ai animé.
Hélas ! J’en suis arrivée à une conclusion et je ne suis pas la seule : la coopération régionale actuelle a tellement de lacunes, a été et est toujours une telle source de déceptions, que OUI, c’est un miroir aux alouettes.
Depuis des années, il y a ce discours – institutionnel, politique – que les territoires, institutions, entreprises, doivent coopérer pour que tout le monde y gagne ! Beaucoup d’ambitions, de promesses, de réunions, de conférences… Avec de belles photos d’unité et une foule d’articles à la clé ! Et puis, tous ces millions annoncés chaque année, ces projets – plus moins ou moins réussis, mis en avant. Et de ce fait, oui, la coopération régionale forcément attire, particulièrement les entreprises, les associations qui ont des projets souvent pertinents.
Cependant, en grattant la surface de ce beau miroir, on s’aperçoit vite que la façade est trompeuse, décevante, en réalité !
La coopération régionale est surtout un bel outil politique de manière générale, un outil de communication politique, sans que l’efficacité réelle soit au rendez-vous !
Or, nous ne sommes plus dans un monde où les bonnes intentions, les projets à court terme, suffisent.
Face à tous les enjeux que nous connaissons bien, la Caraïbe, les Caribéens ont besoin d’une coopération régionale pragmatique où les entrepreneurs – qui ont la volonté, la vision, les compétences, les projets – ont toute leur place. Et c’est pour cela d’ailleurs que ma team est constituée d’entrepreneurs, parce qu’il est temps que la coopération régionale soit synonyme de pragmatisme, d’avancées concrètes.
Je ne vais pas vous assommer d’exemples prouvant la faillite de la coopération régionale, mais je dois quand même vous en donner trois, pour vous expliquer quels sont les freins, les raisons de son échec. Je vais mettre les pieds dans le plat.
Parlons de Caribsky avec sa promesse : un billet unique pour la Caraïbe !
C’est la coopération entre trois compagnies aériennes (Air Antilles, Liat et Winair) pour améliorer les liaisons aériennes dans la Caraïbe. 5 millions d’euros pour ce projet Interreg Caraïbes. Vous voyez oùje veux en venir… Le principal bénéficiaire était la LIAt, dont les actionnaires étaient des Etats (le principal était Antiguaet Barbuda, Barbade, Dominique, Saint-Vincent et les Grenadines) a fait faillite début 2024. Air Antilles n’est plus depuis quelques mois. L’aérien en a pris un coup ! Et cela impacte tout le reste.
2e exemple : les sargasses, une problématique grave depuis des années.
Qui se souvient de la Conférence Internationale sur les Sargasses qui a eu lieu en octobre 2019 en Guadeloupe ? Quelles collaborations concrètes depuis ? Il y a 3 projets Interreg sur les sargasses pour un montant global de 4,5 millions d’euros, dont un – SARG’COOP – financé à hauteur de 3 millions d’euros pour créer ‘”des instances et outils facilitant le partage des connaissances et des savoir-faire en matière de gestion des échouages des algues sargasses” piloté par la Région Guadeloupe. Cela laisse songeur…
La géothermie, très pertinente pour notre région qui doit développer les énergies renouvelables. Un enjeu majeur !
Des années d’allers et venues, de rencontres, de recherches… Et résultat : Il n’existe actuellement qu’une seule centrale géothermique en activité aux Antilles, celle de Bouillante en Guadeloupe. Pourtant il y a un très grand potentiel encore inexploité dans la Caraïbe. Une énergie qui pourrait réduire notre dépendance aux énergies fossiles et permettre de vraies économies !
J’ai évidemment beaucoup d’autres exemples, ma team aussi. Toutefois, je n’ai que 10 minutes pour cette introduction.
Est-ce que la coopération fonctionne vraiment, avec pléthore de résultats concrets sur le long teme ? NON ! Participe-t-elle réellement au développement des territoires ? NON !
Serge Letchimy, le président de la Collectivité territoriale de la Martinique, a tenu un discours percutent, pertinent, lors de la 17ème Conférence de coopération régionale Antilles Guyane à Saint-Martin il y a quelques jours. Il m’a d’ailleurs donné bien des éléments. Il a souligné qu’aucun président de collectivité Guadeloupe, Martinique, Guyane ne peut signer des accords internationaux dans la Caraïbe ! Le ver est dans le fruit depuis des années !
Dans les coulisses
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Je n’ai participé qu’à peu de débat public dans ma vie. J’en ai animé quelques-uns, mais être modératrice, c’est être dans une position finalement confortable. Là, je devais défendre mes arguments et surtout face à une personne expérimentée, Axelle. Je savais qu’elle n’allait pas me ménager, alors j’ai tenu à bien me préparer. Mon équipe comptait sur moi.
Je me suis bien amusée en écrivant mon introduction, en échangeant avec quelques personnes pour affiner mes arguments, en répétant mon petit discours. C’était nouveau et fun.
Pour le ton, la gestuelle, je me suis inspirée de Lucette Michaux-Chevry, une avocate et politique guadeloupéenne notamment réputée pour sa manière de débattre, d’argumenter sans faiblir.
Pour le contenu, mon inspiration est plutôt venue de Serge Letchimy, l’actuel président de la Collectivité Territoriale de Martinique. Je l’ai d’ailleurs cité à la fin de mon propos. J’aime beaucoup la manière dont ce monsieur construit ses discours, avec un sens du naturel et du crescendo très intéressant.
Alors, pour vous, la team du OUI a gagné ?
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Prochain débat le 28 mai
