Guadeloupe : pourquoi Fèt Liv Anba Bwa est une fête du livre plus que nécessaire

Mon amour de la lecture, je le dois à ma mère. Certes, elle est la première à m’avoir mis un livre entre les mains. Cependant, son mérite le plus grand est d’avoir accepté mes demandes d’acheter encore et toujours plus d’ouvrages. Cela a représenté un budget très important durant mon enfance, mon adolescence, mes études, mais il était rare qu’elle dise non dès lors qu’il s’agissait de m’emmener à la librairie pour repartir avec une dizaine de livres. Grâce à elle, j’ai vite compris que j’étais une littéraire, que j’exercerais un métier où la lecture serait centrale.

Encore aujourd’hui, j’ai une vraie passion pour les livres. Au fil des ans, j’ai développé des préférences : la littérature française du XIXe siècle, la littérature caribéenne, certains auteurs britanniques contemporains… Je lis moins d’ouvrages que dans mes années de jeunesse, car j’ai moins de temps. Cependant, je lis mieux, dans le sens où je sélectionne plus les livres que j’achète, je comprends aussi davantage ce qui est écrit.

Et puis, n’oublions pas que la lecture, ce n’est pas seulement lire des livres. Il y aussi les journaux et magazines, les articles sur le web. Comme j’effectue une veille de l’actualité caribéenne, évidemment je lis énormément, tous les jours. De toute manière, je ne pourrais pas m’en passer. C’est une nécessité pour alimenter mes pages blanches. C’est une obligation professionnelle, mais surtout une passion.

Je vous raconte tout cela, pour deux raisons. La première est rageante, la seconde enthousiasmante.

Hélas, la Guadeloupe présente un taux d’illettrisme très élevé.

« Selon l’enquête d’information et vie quotidienne réalisée en 2009 par l’INSEE : 1 Guadeloupéen sur 4 était en situation d’illettrisme autrement dit présentait des difficultés avec les savoirs de base, la lecture, l’écriture ou le calcul. » – Guadeloupe la 1ère 

Vous noterez que l’enquête de l’Insee date de 2009… Toutefois, je partage le lien, pour ceux qui seraient tout de même intéressés. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1294534 Heureusement, la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale s’est penchée sur le sujet et en parle dans un rapport d’information portant sur l’enseignement en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion remis en juin 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/om/l15b4204_rapport-information

« Malgré la mise en œuvre de politiques pour contrer le décrochage scolaire, les résultats demeurent décevants au regard des moyens mis en œuvre. Le plus dommageable est la persistance d’un taux d’illettrisme de l’ordre de 30 % largement supérieur à la moyenne nationale. »

Cette moyenne nationale est de 11,8%. Vous avez bien lu !

« Si l’on affine les résultats, en Guadeloupe 30 % de jeunes présentent des difficultés de lecture, 16,5 % connaissent des difficultés sévères et 13,5 % possèdent de très faibles capacités dans ce domaine. En Martinique, ce sont 35 % de jeunes qui font face à des difficultés de lecture, 22,5 % à des difficultés sévères et 12,5 % montrent de très faibles capacités. Quant à Saint-Martin, 50 % des jeunes rencontrent des difficultés de lecture.

Cet écart avec l’Hexagone est d’autant plus inacceptable que le système éducatif dans les départements ultramarins y est similaire. »

Une réponse pertinente : Fèt Liv Anva Bwa, du 15 au 18 juin à Petit-Canal

Les chiffres mentionnés plus haut sont désespérants. Il s’agit bien de mettre en oeuvre des solutions pour combattre l’illettrisme. Il y en a de multiples, et je sais que nombre d’acteurs – dans les écoles, les médiathèques, les associations, etc – sont en action pour lutter contre cette problématique majeure. J’aurai l’occasion de les mettre en lumière sur ce blog. Toutefois, actualité oblige, je vais vous présenter une belle initiative qui débute ce 15 juin.

 

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Liv Anba Bwa, autrement dit Livre sous les bois. C’est une fête du livre qui dure 4 jours dans le nord Grande-Terre, plus précisément sur le site de Duval à Petit-Canal.

« L’association « Liv anba bwa » confirme sa volonté et son ambition « d’attiser l’appétit du livre et de la lecture, à la campagne comme à la ville. »

 

« Le thème de la manifestation, « ÉCRITURES D’ILES « vise, non pas à en limiter l’intérêt à un espace géographiquement ciblé quoique disséminé, mais à mieux mettre en exergue la profusion et le foisonnement créatif nouveaux qui s’expriment dans ces écosystèmes, notamment, celui de l’espace caribéen. »

 

« Pour bien marquer notre « Tentation de la Caraïbe », nous avons invité un éditeur de la Dominique qui nous fait le plaisir de sa participation, en espérant que cette première avancée dans notre environnement anglophone sera les prémices à l’ouverture plus généreuse sur la Grande Caraïbe.
Nous nous réjouissons que le grand écrivain martiniquais Raphaël CONFIANT et son éditeur guadeloupéen nous gratifient de leur présence et de leur participation active à la Fêt, placée sous les bons auspices de notre grande dame des lettres guadeloupéennes, Madame Simone SCHWARZ-BART. Ils nous font honneur. »

 

– Raymond Boutin, président de F`èt Liv An Ba Bwa (extraits du dossier de presse)

Je vous livre le programme, en espérant que vous serez nombreux à prendre part aux manifestations.

 

A noter que j’aurai le plaisir de faire partie des invités de la causerie sur le thème « Jeunes auteurs et auteurs de jeunesse en Guadeloupe qui se tiendra le 18 juin à 15h 30. En effet, je suis éditrice depuis quelques années, avec The Flamboyant Agency, maison d’édition que j’ai co-créée avec l’entrepreneure Jessica Brudey. Nous avons édité notamment Nounoune et Maiss en Cuisine, le premier livre de Maïka Radjouki, alias Maiss Cuisine. Autre invité de cette causerie : Nèg Mawon, éditeur guadeloupéen bien connue.

 

Je laisse le dernier mot à Raymond Boutin, car ses mots sont forts, importants.

« Nous savons le défi audacieux et le chemin escarpé, nous n’ignorons ni l’addiction aux réseaux et aux images, ni la grande désaffection pour l’objet livre, mais nous poursuivrons nos efforts pour que le « livre-manuel » redevienne familier et continue d’exercer son pouvoir d’attraction et de fascination, comme le proclamait le philosophe Walter BENJAMIN. »

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