La Concacaf : football, pouvoir et scandales

La Concacaf occupe une place à part dans le football mondial. Puissante par le nombre de ses membres, stratégique par son poids électoral à la FIFA, longtemps décriée pour ses dérives, elle reste aujourd’hui un acteur incontournable pour toute la Grande Caraïbe. Comprendre la Concacaf, c’est comprendre une partie des déséquilibres du football international.

Une confédération née d’un compromis politique

La Concacaf est fondée en 1961, par la fusion de deux entités régionales. Dès l’origine, l’objectif n’est pas uniquement sportif. Il s’agit aussi de peser face à l’Europe et à l’Amérique du Sud au sein de la FIFA.
La zone est vaste, hétérogène, marquée par des écarts économiques majeurs. Mettre dans la même confédération les États-Unis, le Mexique et de micro-États caribéens relève d’un choix politique assumé.

Dès les années 1960, la Concacaf devient un réservoir de voix. Chaque fédération compte, quelle que soit sa taille ou son niveau sportif. Ce principe va structurer durablement son fonctionnement… et ses dérives.

Un territoire immense, des réalités opposées

La Concacaf couvre :

  • l’Amérique du Nord
  • l’Amérique centrale
  • la Caraïbe

Soit 41 fédérations nationales et plus de 500 millions d’habitants.
Dans les faits, trois mondes cohabitent :

  • des puissances sportives et financières
  • des nations intermédiaires en progression
  • une Caraïbe souvent sous-dotée, dépendante de l’aide régionale

Ce déséquilibre structurel explique beaucoup de tensions internes.

Les grandes compétitions

La confédération organise plusieurs compétitions majeures.

  • La Gold Cup constitue la vitrine. Longtemps dominée par le Mexique et les États-Unis, elle sert aussi de levier économique et médiatique.
  • La Ligue des nations Concacaf, lancée en 2018, vise à offrir plus de matchs compétitifs aux petites sélections et à limiter les rencontres amicales sans enjeu.
  • La Coupe des champions Concacaf concerne les clubs et reflète encore plus fortement les écarts de moyens entre ligues.

À cela s’ajoutent les qualifications pour la Coupe du monde, souvent perçues comme injustes dans la Caraïbe tant le parcours est long et coûteux pour des fédérations fragiles.

Dates clés

  • 1961 : création de la Concacaf
  • 1963 : première grande compétition continentale
  • 1991 : Gold Cup moderne
  • 2015 : scandales FIFA, implosion du système
  • 2018 : naissance de la Ligue des nations
  • 2026 : Coupe du monde coorganisée par USA, Canada, Mexique

Les hommes qui ont façonné la Concacaf

Impossible de parler de la confédération sans évoquer Jack Warner. Pendant plus de 20 ans, il règne sur la Concacaf comme un baron local. Son pouvoir repose sur un système de clientélisme assumé : aides financières, promesses, influence électorale.
Sa chute, après les enquêtes américaines de 2015, révèle un système profondément corrompu.

Depuis 2016, Victor Montagliani incarne la phase de reconstruction. Gouvernance modernisée, audits financiers, discours plus transparent. La rupture est réelle sur la forme, plus progressive sur le fond.

Chiffres clés

  • 41 fédérations membres
  • 3 sous-régions officielles
  • 6 places directes pour la Coupe du monde 2026
  • Gold Cup : plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs cumulés
  • Dépendance financière élevée de nombreuses fédérations caribéennes aux subventions Concacaf et FIFA

Les scandales qui ont marqué durablement la Concacaf

Pendant des décennies, la Concacaf est considérée comme l’une des confédérations les plus opaques au monde.

Les enquêtes révèlent :

  • des pots-de-vin liés aux droits TV
  • des commissions illégales lors de l’attribution de compétitions
  • un achat de votes systémique au sein de la FIFA

L’affaire Warner n’est pas isolée. Elle expose un modèle où le pouvoir sportif sert de monnaie d’échange politique. La Caraïbe, forte de ses nombreuses fédérations, devient une clé stratégique.

Une image encore fragile

Malgré les réformes, la Concacaf traîne toujours une réputation compliquée.
Les critiques portent sur :

  • l’arbitrage jugé inégal
  • la concentration des ressources sur quelques pays
  • la difficulté réelle à professionnaliser le football caribéen

Les discours ont changé. Les structures aussi. Les résultats restent inégaux.

La Concacaf vue depuis la Caraïbe

Pour la Caraïbe, la Concacaf est à la fois :

  • un levier indispensable de financement et de visibilité
  • un système contraignant, parfois déconnecté des réalités locales

Les déplacements coûteux, les calendriers chargés et les exigences administratives pèsent lourd sur de petites fédérations. Le football caribéen progresse, mais au prix d’efforts disproportionnés.

La Concacaf n’est plus la confédération incontrôlable des années 2000. Elle n’est pas non plus un modèle de gouvernance.
Elle reste un espace de tensions permanentes entre sport, argent et politique, à l’image de la région qu’elle couvre.

Mylène Colmar
Mylène Colmar

Journaliste, consultante éditoriale et éditrice en Guadeloupe. Caribbean blogger depuis 2007, créatrice du blog de Mylène Colmar en 2015.
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