Souvenez-vous. En octobre 2021, j’ai évoqué Axel, un Guadeloupéen que je ne connaissais pas avant qu’il ne me contacte pour être l’invitée de son podcast Parcours Confidences Antilles (PCA). Alors que je n’accorde que peu d’interviews, j’ai quasi immédiatement accepté sa proposition, car j’ai apprécié le contenu de son podcast et surtout la manière dont il mène ses interviews. En effet, il n’hésite pas à donner son point de vue, sans jamais tomber dans l’agressivité ou la manipulation. J’ai vraiment aimé échanger avec lui pour enregistrer mon épisode et depuis, nous sommes restés en contact.
J’ai eu envie de lui rendre la pareille, mais évidemment à l’écrit, via un billet MAXI Format. Alors, préparez-vous pour une interview-fleuve que vous lirez, je l’espère, jusqu’au bout, car Axel est un trentenaire au parcours surprenant et au discours à la fois tranché et intéressant.
Tu as été militaire pendant cinq ans. Raconte.
« En 2010, je me suis effectivement engagé à l’armée en tant que combattant parachutiste. A la base, je voulais être gendarme. J’avais décidé de passer le concours de gendarmerie, mais je me suis arrêté au deuxième jour de sélection. J’ai préféré l’armée, car mon oncle – le frère de mon père – était militaire, parachutiste et je trouvais cela cool. Je voulais faire du déminage, car j’avais aimé le film Démineurs.
Toutefois, mes deux demandes d’intégrer le régiment génie parachutiste à Montauban ont été refusées et j’ai finalement été accepté dans un autre à l’excellente réputation, le 8e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine (RPIMA) qui se trouve à Castres. J’ai terminé en 2015, car j’ai choisi de ne pas prolonger. Cette année, mon père m’a appris qu’il avait un cancer, j’ai donc décidé de rester avec lui. Il est décédé le 8 décembre 2016. J’ai eu raison. »
L’armée derrière toi, quelle a été l’étape suivante dans ton parcours ?
« J’ai eu envie de partir à la Réunion pour faire des bokits. Je suis donc rentrée en Guadeloupe pour suivre une formation. »
Entrepreneur, une évidence
« J’ai toujours aimé l’entreprenariat. C’est ma tante qui m’en a donné le goût. Quand j’étais en sixième, elle possédait le premier magasin de lingerie à Sainte-Rose. Entre midi et deux, je tenais la caisse de son magasin. »
« Un de mes mentors, Jean-Philippe, m’a fait lire des ouvrages de PNL (ndlr : Programmation Neuro-Linguistique) et je me suis beaucoup intéressé à l’entreprenariat. Quand j’y réfléchis, j’ai toujours aimé ça. Quand j’étais au collège et au lycée, avec quelques amis de mon quartier, nous organisions des tournois de football, l’entrée était à deux euros, et nous pouvions ainsi avoir une glacière de boissons et un barbecue. J’ai même lancé une production musicale, je m’occupais alors d’artistes. J’ai toujours apprécié d’être manager, de financer des projets. »
Ceci explique l’entreprenariat, mais pourquoi donc les bokits à la Réunion ?
« Tout simplement, parce qu’il n’y avait pas de bokits à la Réunion ! »
« Je me suis donc formé en Guadeloupe et ensuite, je suis parti là-bas. Sur place, j’ai rencontré des gens sympathiques, découvert l’île, mais il me manquait certains soutiens. Finalement, je suis retourné en Guadeloupe où j’ai ouvert une entreprise de chichas. »
Du bokit à la chicha, nouveau grand écart. Explique-nous.
« C’est étrange car je ne fume même pas la chicha ! Quand je vivais à Bourg-en-Bresse, j’avais un ami, Karim, qui avait un bar à chichas. Il m’a donné quelques idées et surtout transmis ses contacts de fournisseurs. C’était une belle opportunité business. De plus, à cette époque-là, en Guadeloupe, ce n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui. Et pour faire la différence, je me suis mis à la livraison, ce qui m’a permis de rencontrer du monde. »
Et ensuite, tu as travaillé dans la restauration. Comment t’es-tu retrouvé dans ce domaine ?
« Un jour, je suis allé en boite de nuit, alors que je ne le voulais pas vraiment, et j’ai rencontré Kevana, l’un des fondateurs du Karacoli (ndlr : beach club et spa à Deshaies), qui m’a demandé de proposer des chichas dans le lieu. Cela se passait bien.
Ensuite, Yvins, un des responsables, m’a proposé de devenir manager et j’ai tout de suite accepté, car le projet me plaisait. C’était une super opportunité. J’ai eu la chance d’être formé par Leslie, la gérante. J’avais déjà le côté manager, mais il me manquait les bases de la restauration.
Au Karacoli, j’ai rencontré Tania Guérin (ndlr : restauratrice à la tête de L’intemporelle), qui m’a présenté Xavier qui m’a recruté pour travailler à La Plantation (ndlr : restaurant à Baie-Mahault).
« Je suis quelqu’un de projet. Quand je dis que je le fais, je le fais ! »
D’où t’est venue l’idée ?
« Je travaillais en freelance à La Plantation. Quand il y a eu le premier confinement en 2020, je n’avais plus de travail. Je m’ennuyais. J’écoutais des podcasts – Football Club Formation, La Nouvelle Ecole, mais je ne trouvais pas souvent des formats longs d‘interviews. C’est alors que j’ai commencé à réfléchir au lancement d’un podcast en novembre 2020.
Début janvier 2021, je me suis dit que si je n’enregistre pas un premier épisode de podcast ce mois-ci, je ne le fais pas. Et finalement, j’ai enregistré une interview de Cynthia, avec mon portable. J’ai dû tout apprendre. »
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« Au départ, je voulais mettre en ligne un épisode par mois. Et je me suis dit : si j’ai 50 écoutes par mois, cela me va. »
« Quand j’ai sorti l’épisode Cynthia, j’en avais déjà enregistré cinq autres. La cinquième personne m’a demandé la date de mise en ligne. Et là, j’ai dû lui expliquer que cela serait en juin, car c’était un par mois. La réaction : hein, comment ?! (rires)
En fait, j’avais peur de manquer d’invités, car je veux des gens qui ont vraiment des choses à transmettre, qui réussissent dans leur ‘mood’ – car réussir cela ne veut rien dire, mais surtout des gens qui transmettent.
Cynthia, je l’ai choisie parce qu’elle a formé nombre de personnes et elle s’investit dans le milieu associatif. Pierre vit depuis des années ici et a formé beaucoup de Guadeloupéens en cuisine. »
« Le podcast n’est pas seulement sur toi, mais sur ce que le toi d’aujourd’hui apporte à l’autre. Je voulais aussi que le podcast inspire les gens à grandir. »
« Tu peux passer par tellement de mauvais moments et finalement, cela se débloque à un instant T que tu n’attendais pas forcément. Par exemple, Kassy, dans la saison 2, raconte qu’elle a croisé à la sortie d’une concession automobile la responsable du recrutement, ce qui lui a permis de décrocher un emploi. C’est extraordinaire !
Quand on voit Cynthia qui est directrice financière de Pôle Emploi aujourd’hui, mais qui auparavant a travaillé comme simple collaboratrice comptable dans l’Hexagone et parcourait 100 km par jour. C’est pour ces personnes aux parcours inspirants que j’ai fait le podcast.
Et finalement, j’ai décidé de sortir un épisode par semaine, en me disant : si j’en manque, j’en manque ! Après tout, je ne dois rien à personne. » (rires)
« De fil en aiguille, j’ai réussi à avoir des invités et à boucler la première saison, avec un invité chaque semaine durant quatre mois. »
« J’ai pris deux mois de pause en juillet-août et ensuite, cela a commencé à me manquer et j’ai donc repris pour la saison 2. »
Plongeons encore plus dans les coulisses
OTK se charge des visuels de présentation des invités du podcast, qui sont d’ailleurs très réussis. Comment cette collaboration est-elle née ?
« Au début, j’ai juste créé un compte Instagram pour informer de la sortie d’un épisode. J’avais huit abonnés et j’étais content. J’avais deux, trois écoutes, c’était bien.
Cependant, OTK et Tessa de Neg Magazine m’ont expliqué que ce n’était pas beau, que cela ne donnait pas envie d’écouter. C’est à ce moment-là qu’OTK m’a dit qu’il allait créer les visuels et a eu l’idée de faire un dessin. J’aime beaucoup son travail et cela se fait naturellement. Je fais tous les autres visuels. »
J’aimerais revenir sur tes ambitions pour ce podcast. Quelles sont tes motivations ?
« L’objectif est que cela plaise aux gens. Si cela peut inspirer un jeune qui peut se sentir concerné, une personne qui se sent mal et qui a envie de changer de vie, une autre qui a besoin d’apprendre sur certains sujets…
Je lis beaucoup d’ouvrages de PNL, mais où les auteurs parlent de nombre de personnes qui ne me ressemblent pas. Je voulais créer un podcast qui parle de réussites de gens aux Antilles, qui font des choses au pays – avant tout – ou pour le pays. »
« Je souhaitais les mettre en avant pour faire comprendre aux gens que nous aussi nous avons des modèles. »
« Quand je parle de succès, ce n’est pas seulement sur le plan financier. C’est pour cela que PCA Podcast parle aux entrepreneurs, aux salariés, à l’associatif. Quelqu’un qui au sein d’une association fait beaucoup pour son île est également un grand acteur. Des gens dans l’ombre agissent aussi tous les jours pour la jeunesse. Par exemple, les grands et seniors du quartier tenaient le rôle d’éducateur. C’est hyper important ! »
« Poincaré était un très grand scientifique, mais moi, j’admire plus un Damien Bissessar (ndlr : docteur en chimie guadeloupéen) qu’un Poincaré. Il m’inspire en tant que modèle. Il est accessible. »
« Ma grande fierté est de voir des gens de qualité qui me suivent. »
D’où te vient ce ton particulier – tranché, mais pas agressif – dans ton podcast ?
« Toi, d’autres personnes, m’ont expliqué que j’avais un ton différent. Je comprends ce que vous me dites, mais comme je suis moi, je ne ressens pas cela. Je ne surjoue pas.
Je pense aussi que la culture du débat et le goût de la lecture que je dois à ma mère ont été un facteur déterminant dans ma personnalité. »
« L’interview est finie ? Ah, ok ! » Axel est aussi bavard que moi et l’interview fut épique, car nous avons fait pas mal de digressions que je n’ai pas partagées dans ce billet, car il aurait alors été d’une longueur redoutable. Je vous invite vraiment à aller écouter les épisodes de PCA Podcast et vous me direz si vous êtes d’accord avec moi qu’Axel a un ton incroyable, un vrai talent.
Axel a annoncé que la saison 3 débuterait bientôt et j’ai vraiment hâte de découvrir ses invités. Je lui souhaite bonne continuation. Longue vie à PCA Podcast !
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