Rencontres caribéennes : des Antilles à l’Allemagne avec Jean-Michel Hauteville

Jean-Michel Hauteville fut la deuxième personne que j’ai eu l’opportunité d’interviewer. Et cela ne fut pas sans peine ! Les problèmes de connexion et la mauvaise qualité audio lors des essais nous ont même menés à reporter l’interview. Mais avec un peu de persévérance, (et un petit coup de pouce de la part du réseau), nous avons pu échanger sans trop d’entraves.

Comme Doris, ma première « Rencontre Caribéenne », Jean-Michel Hauteville est originaire de la Martinique. Il est journaliste indépendant et travaille en Allemagne depuis maintenant plusieurs années. Dans le passé, il a été contrôleur de gestion dans une multinationale industrielle, avant de bifurquer vers le journalisme en travaillant pour des médias français et allemands. Il a également fait du bénévolat pour une banque alimentaire basée en Allemagne.

 

A comme « Allemagne »

D’après ce que Jean-Michel m’a confié, pour un Martiniquais, vivre en Allemagne c’est ressentir la différence flagrante entre les deux cultures. Initialement, c’est pour le travail qu’il a décidé de s’y rendre. Désormais, c’est son pays de résidence, et il a dû s’adapter  aux mœurs du pays. « Par exemple, quand vous acceptez de rencontrer quelqu’un, vous devez planifier les choses longtemps à l’avance, donc pour moi, c’était étrange au début. De plus, c’est un pays européen, la plupart des gens ici sont blancs, donc, comme je viens de la Caraïbe, j’ai l’air différent. La musique, la nourriture sont différentes aussi. »

Le fait de devoir s’adapter a été une source d’inspiration pour son blog lorsqu’il a déménagé en Allemagne. Celui-ci traite des difficultés, des agréables surprises… en bref de l’accommodation à un nouveau pays.

L’an dernier, Jean-Michel a été analyste pour NewsGuard . Bien qu’il n’ait occupé ce poste que pour quelques mois, celui-ci se rapprochait indirectement de son métier de journaliste. Il s’agissait d’évaluer les sites  d’information français tels que : Les Echos.fr, LaCroix,  et bien d’autres.

« Mon travail consistait à aider les internautes à déterminer si le site qu’ils lisent est fiable et si les informations qu’ils lisent sont dignes de confiance. Mais à un moment donné, ma mission était terminée, et j’avais aussi moins de temps à lui consacrer, car mes activités de journaliste étaient plus intenses. » C’est ainsi que Jean-Michel s’est remis à écrire des articles pour les médias français.

Il y a un an et demi de cela, il profitait encore du confort et notamment de l’assurance d’un salaire fixe que lui procurait son ancien job au sein d’une rédaction américaine à Berlin . Mais au printemps de l’année dernière, suite à la fermeture de cette rédaction,  il commença à travailler en free-lance, et assurait  différents emplois ou missions par exemple. En tant que journaliste indépendant, il n’est pas employé par une organisation médiatique. Ainsi, il n’a pas de contrat ou de poste à plein temps.

« Quand je me réveille le matin, en général, je ne suis pas sûr de ce que je vais faire pendant la journée. Si je suis en contact régulier avec un média, je lui propose des sujets  ou des articles que je pourrais écrire sur différents thèmes  et il pourrait vouloir les accepter ou non. S’ils le font, je peux alors y travailler et être payé pour cela. » Ce train de vie rythmé par des incertitudes peut alors devenir stressant.

Jean-Michel me raconta comment l’an dernier, il a commencé  à écrire régulièrement pour le quotidien Le Monde. Mais cette collaboration n’était que temporaire car il s’agissait d’un remplacement . Son défi aujourd’hui concernant sa profession, est de trouver des médias avec lesquels il peut travailler sur du long terme et écrire assez d’articles pour en tirer des revenus suffisants .

« C’est une situation très difficile à vivre, pour être honnête. »

Je fus alors curieuse de savoir quelle était sa plus grande fierté en tant que journaliste, et il m’avoua que le simple fait d’écrire pour des médias de renommée internationale et fournir un travail satisfaisant était en soi une fierté. « Je peux citer l’article que j’ai écrit en février, sur un terrible incident (une attaque terroriste raciste) qui s’est produit dans une petite ville d’Allemagne de l’Ouest. Le directeur du Monde m’a appelé de Paris et m’a demandé si je pouvais m’y rendre immédiatement, prendre un train pendant 5 heures, alors je suis parti et je me suis rendu dans cette ville. »

Cette expérience a d’ailleurs été très émouvante. Jean-Michel fut personnellement touché par cette tragédie étant donné que les victimes étaient des personnes qui lui ressemblaient, tuées à cause de leur couleur de peau. Après une longue journée de travail et un grand nombre de témoignages, il retournait à sa chambre d’hôtel et passait les 5 premières heures de la journée qui suivit à écrire son reportage. Cette situation fut très inattendue pour lui, d’autant plus qu’il couvre principalement les nouvelles du monde des affaires.

En reportage en Italie mais cette fois dans la région voisine de Vénétie. Photo du DFI / Deutsch-franzoesisches Institut

Gérer la crise « un jour à la fois »

La pandémie a bouleversé le quotidien de Jean-Michel. Les activités qu’il avait l’habitude d’entreprendre comme les cours de salsa, se font de plus en plus rares, au détriment de son épanouissement dans la vie en société.

« Lors de la première vague et du confinement au printemps, je n’ai pas du tout réussi à m’en sortir, j’étais très mal préparé à affronter la fin de ma vie sociale, et je n’ai pas pu rencontrer mes amis, même à la maison. Heureusement, nous avons eu quelques mois « normaux » et nous avons pu aller au restaurant, au cinéma et ainsi de suite, c’était sympa, j’ai pu rencontrer des amis. Mais c’était étrange de ne pas pouvoir les embrasser, par exemple. Je  m’y suis habitué. C’est un jour à la fois. »

Alors que l’Allemagne se prépare à un second confinement, Jean-Michel appréhende. Les séances de natation par exemple, qu’il avait l’habitude de pratiquer pour rester en forme et faire face à la crise, ne seront plus possibles. De plus, avec l’arrivée de l’hiver, il s’est résigné à se tourner vers d’autres projets afin d’être actif tout en restant en sécurité.

 

A comme « Antilles »

« Il me tarde de revenir très prochainement aux Antilles. »

Oui, il y a quelques mois, Jean-Michel profitait du climat tropical de la Guadeloupe et de la Martinique, et avait d’ailleurs prévu d’y retourner (si ce n’était pour le COVID) pour échapper au froid de la fin d’année en Allemagne, histoire de fêter noël au chaud, et chez soi ! Pour l’heure, rien n’est sûr. C’est d’ailleurs un enjeu supplémentaire pour lui :

« C’est un problème auquel beaucoup de gens autour de moi sont confrontés car, comme je suis étranger ici, beaucoup de mes amis sont aussi des étrangers venus d’autres pays et nous souffrons tous de cette pandémie et de ne pas pouvoir rentrer chez nous pour rendre visite à nos familles et à nos amis. »

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Photo couverture : Léo Pierrard.

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