J’ai lancé cette rubrique Spécial invité, afin que d’autres voix que la mienne puissent s’exprimer, parce que je crois en la pluralité des points de vue comme source riche de réflexion. Il y a quelques semaines, j’ai publié un texte de Michelle Martineau, qui a suscité un bel intérêt. Elle m’en a envoyé un autre, sur un sujet différent, mais également intéressant. Je ne pouvais que le publier. Le voici donc.
Guadeloupe ou Karukera, îles aux belles eaux, ma maison, mes racines. Maison que j’ai dû quitter en 2015 pour poursuivre mes études à l’étranger, au Canada. Bien sûr, une nouvelle aventure commence, mais j’ai laissé derrière moi ma famille, mes amis, mes racines.
Karukera. J’ai dû la quitter parce que mes projets professionnels n’étaient plus adaptés au « pays ». Comme je détenais une maitrise en droit à l’époque, il m’a été affirmé que je possédais trop de diplômes pour pouvoir rester en Guadeloupe : la surqualification. J’ai bataillé pendant près de deux ans dans l’espoir de trouver un emploi afin d’apporter ma pierre à l’édifice dans le paysage économique et social de ma chère Guadeloupe. Les désillusions ne se sont pas faites attendre.
Rendez-vous sur rendez-vous à Pôle emploi. Une conseillère de cette institution m’a soutenu que mon projet de partir faire des études au Canada relevait de l’utopie. Quelques mois plus tard, à ma plus grande joie, j’ai été acceptée et j’ai décidé de partir. Aller simple vers Montréal.
Ce récit n’est pas un cas unique. De nombreux Guadeloupéens et Martiniquais, le font chaque année : c’est la fuite des cerveaux. Dès l’obtention du Bac ou après une licence, partir vers d’autres horizons constitue certes un choix, mais de plus en plus une nécessité. Je fais partie de cette jeunesse qui a eu la possibilité de partir loin et de réaliser ses rêves, mais qu’en est-il de la jeunesse restée à bord ?
Dans une société antillaise où le taux de chômage est supérieur à celui de l’Hexagone, un jeune antillais diplômé se voit presque dans l’obligation de partir, parce qu’il n’y a rien au « pays », parce que le « pays » n’a plus rien à offrir.
Peut-on alors parler de génocide par substitution 2.0 ? Les différentes politiques adoptées durant le cours de ces dernières décennies ne semblent pas avoir réglé le problème. Au contraire, la jeunesse antillaise est de plus en plus tentée de s’expatrier, de quitter sa chère terre natale.
En écrivant ce billet, je ne tiens absolument pas à adopter un discours pessimiste. Mais il s’agit d’établir une pensée constructiviste, car, dans toute difficulté, l’espoir n’est jamais très loin. Il convient toutefois de tendre le miroir aux politiques publiques pour prendre conscience de la réalité du terrain. Les Antilles se vident de ses têtes pensantes pour différentes raisons qui ne sont de ma portée, seuls les hommes politiques détiennent les réponses.
Toutefois, avec ce miroir et cette prise de conscience, un véritable travail de reconstruction en faveur de la jeunesse antillaise est possible. Ce retour au pays natal que souhaitent certains jeunes peut se concrétiser. Il faut juste entendre une bonne fois pour toutes les désidératas de cette jeunesse qui ne cherche qu’à porter son « pays » au sommet. On dit souvent que l’herbe y est plus verte ailleurs, mais il suffirait de retirer les mauvaises herbes qui se sont accumulées dans notre jardin créole ; car en dessous, se cache un potentiel que nul ne peut ignorer. La jeunesse antillaise est porteuse d’espoir et de plus-value tant sur le plan politique, économique que culturel.
Bien entendu, établir des réformes sur une longue durée serait plus que bénéfique pour cette jeunesse qui souhaite rentrer au pays natal, mais aussi pour celle dont l’envie de quitter sa terre mère ne s’est pas encore manifestée.
Je ne veux pas croire en une deuxième forme de génocide par substitution comme ce fut le cas avec le Bumidom, parce que tout simplement je sais que des solutions sont possibles.
Je sais qu’aux Antilles, de meilleurs lendemains sont possibles. Cela prendra du temps peut-être, un changement de mentalité sera peut-être nécessaire, une prise de conscience sera vitale. En étant « tèt kolé », tout est possible.
Le devenir des Antilles dépend de cette intelligentsia antillaise et nul ne peut l’ignorer.
Comments
Constat est criant de vérité ;mais se pourrait -il que ces dites têtes pensantes ces « politicards », se préoccupent de d’autres qu’eux. Ce serait un possible pas un idéal, à condition que cela leur soit cher.
Malheureusement c’est la vérité, et oui la politique a autre chose à faire que de s’occuper de l’avenir de la jeunesse, certains maires font deja le nécessaire mais ils ne sont pas nombreux… Ici, on a un problème de capitalisme et de paternalisme ça en dit long… Perso, je suis jeune j’aime mon île, ça fera 3ans que je suis au chômage mais j’ai décidé de travailler à mon compte et là plus rien ne m’arrêtera… Je souhaite que nous gardions tous espoir pour que notre île se relève
Il faut savoir monter un projet professionnel en adéquation avec le marché local. Faire des études sans tenir compte de la réalité économique relève du suicide .
La reflexion que je me fais cest quaux antilles il y a les memes besoin quailleurs besoin en santé besoin en droit ….POurquoi avoir trop de diplome serait un frein?qui occupe ces postes hauts placés?comment il recrute?Perso je nai pas un bac+10 ms meme comme ca cest compliqué.Jai postulé depuis la metropole et jai eu que des refus et pourtant il y a des postes.Jai postulé a trois reprises en arrivant ici avant detre embauchée ,on ma prise en tant que contractuelle alors que sans racisme mais juste un fait des metros ont ete embauché par voie de mutation direct et on a pourvu a tout leur demenagement.Il faudrait vraiment quil y ait une politique pour favoriser le retour et linstallation des guadeloupeens qui veulent porter une pierre a ledifice.Je nai pas trouvé un poste dans mon domaine précis mais en parallele avec laide dune association nous montons un projet direct avec nos competences.Faut y croire et se battre. Il est vrai que pour une evolution dans ma carriere je serais dans lobligation de partir un an loin de ma famille a nouveau.
Triste constat, mais o combien vrai. Je l’ai aussi vécu, et de la fratrie, je suis le seul à être resté, et à quel prix.
Mon constat complémentaire, la population Guadeloupéenne n’est pas encore prête, cela ne l’intéresse pas. Et là je ne parle pas des lecteurs/lectrices de ce blog, je parle de la majorité silencieuse à qui à chaque élection on fait dire plus ou moins n’importe quoi, l’abstention massive laissant un vide que nos politiques comblent savamment avec de l asphalte fraîche ou de grandes innaugurations.
Aux jeunes de mon pays, voyagez, ouvrez votre esprit, construisez votre projet dans l’idée de revenir un jour ici.
Nous aurons toujours pour nous la force et l’insolence de notre jeunesse.
Quand on voit que Mélenchon arrive en tête en Guadeloupe et Martinique lors des élections présidentielles, ce n’est pas avec une population socialo-marxiste que le capitalisme, la liberté d’entreprendre et l’autonomie financière vont se développer dans ces îles.
Dès le départ, il y a des bugs au niveau du cerveau des gens. Et partant de là rien ne peut fonctionner. Alors il faudrait commencer par changer le MINDSET de la population pour espérer avoir du changement positif qui va dans le sens du développement économique.
Ce n’est pourtant pas avec le social-libéraliste de Mcron qu’elle est partie pour se développer non plus…
Bonjour,
Je n ai pas été étudiante ni ici ni ailleurs car, ma croyance dans le potentiel humain que j ai dû adopté à mes dépends, dans la mesure où soif d éducation, mais n ayant aucun moyen d y accéder j ai dû lutter par ma volonté, mon endurance, ma ténacité à acquérir une éducation que j estime non achevée!!!
Finalement je réalise que je n ai rien perdu et surtout ayant expérimenté le terrain, je crois connaître le mal à dire de la Guadeloupe et en général du peuple noir!
Très complexe et pourtant très simple, notre réalité réside dans notre quotidien et notre vérité se niche dans notre identité humaine qui ne demande qu’ à s exprimer en symbiose de notre heritage!!! Il n y a qu’ à ouvrir les yeux et voir cette beauté étranglée cette force cette puissance qui a construit l économie de l Europe et l Amérique!!! Cet héritage légué par un continent non existant dans les coeurs de la plupart et que nos savants n ont arrêtés d en apporter les preuves!!!
Un emploi ça se créé car nous sommes dès créateurs!!! Tant qu’ on confiera nos cerveaux à ceux qui ne nous connaissent pas ils nous formeront pour un système qu’ ils connaissent c est à dire le leur. Et vous irez travailler pour eux ainsi l esclavage continuera et surtout vous leur aurez donné votre créativité
Prenez exemple sur Cheikh anta Diop après ses diplômes il est rentré chez lui et il a crée ce qui n y était pas plusieurs autres l ont fait.
Je ne blâme personne mais la responsabilité incombe aux parents car, ils doivent savoir que là oû ils envoient leur enfants pour leur scolarité ne leur donnera pas tout et qu’ ils doivent compléter leur éducation. Le lieu familiale doit être un lieu de culture et de connaissance de l histoire de la science du développement de l individu plus que la culture du materiaisme.
Une mère éduquée engendrera une nation éduquée une nation éduquée c est celle qui connaît son fonctionnement, son potentielle et cherce à l exprimercar il a appris à se connaître!! Et c est aussi une nation créatrice, innovante, sachant s adapter!
Article intéressant qui me ramène à ma propre expérience et celle de proches. Pour aller un peu plus loin dans la réflexion, au delà de la politique en faveur du travail des jeunes je pense qu’il faut d’avantage regarder du côté des entreprises.
Une véritable sensibilisation des employeurs sur le potentiel « local » est importante. Un jeune parti faire ses études en France ou ailleurs qui fini diplômé AVEC un minima d’expérience significative a selon moi toutes ces chances pour trouver un emploi.
Le problème est qu’une majorité de nos entreprises fonctionne avec « leur » personnel (amis de, famille de, voisin de … au détriment de compétences) et que l’autre partie n’est souvent pas prête à assumer ses propres exigences. Les « habitudes » « us et coutumes » finiront toujours par prendre le pas sur le professionnalisme et la perspective d’évolution apporté par ce jeune qui finira par se sentir frustré. Et je ne parlerai même pas du salaire …
Il n’y a qu’à voir l’explosion de l’entrepreneuriat nous montre bien que beaucoup préfèrent au final créer leur propre emploi.
D’ailleurs, la fin de l’article me fait sourire pour cause le pôle emploi à mis sur pied un job dating nommé « tèt kolé ». Reste à voir la qualité de la communication, ciblage du public (recruteurs/candidats) pour que cela s’apparente à une sorte de réussite.
Il n’y a pas de mystères ..tt est mis en oeuvre pour cette fuite des cerveaux …LADOM .? La continuité territoriale est devenue une pensee unique..jj »ai confiance dans notre peuple et particulièrement dans notre jeunesse ..mais j’ai peur du lendemain que cette jeunesse nous réserve..on sent monter le magma il y a nombres de petits delgrès ..
bonjours il me semble que bien que sachants nos enfants ne semble disposerà tenir compte du fait que notre probléme est POLITIQUE ,que celle qui est vigueur chez nous sévie la question est pourquoi ce droit naturelle qu’est de se politiser nous aiffraient, n’allons surtout pas nous former à science pro en france nous n’avancerons jamais cela dit léttré ou pas ce savoir est indispensable pour agir dans notre intéret.
C’est le cas dans bcp de provinces françaises. Je suis originaire de la Manche, département que personne ne connaît où ce pb se retrouve. Je crois cependant qu’il ne faut pas tout attendre d’un état providence, et je crois en la créativité et les énergies individuelles. Ce qu’il faut, c’est la bonne idée. La part de l’état et de la région, c’est de les soutenir.
Voir l Association ADRP basée a Karukéra : Antillais De Retour au Pays. Nous devons tous défendre le retour au Pays. J en ai souffert !
Bonjour les amis de la caraïbe,
Formez-vous et revenez mettre en place au profit de la caraïbe vos acquits, et demain faire valoir nos diplômes et connaissances dans chaque pays de la caraïbe, pour faire en sorte évoluer notre caraïbe,
Nous avons les meilleurs médecins au monde comme à CUBA, nous avons les meilleurs sites de développement durables et devons continuer, comme en Guadeloupe, nous avons les meilleures terres de production agricole dans toute la caraïbe, mais encore plus les meilleurs producteurs comme en Haïti, à la Dominique en particulier nous sommes tellement riche en diversité et ou il fait si bon vivre dans la caraïbe, alors nous devons encore de plus en plus nous mutualiser pour faire de la caraïbe et dans chacun de ses pays le meilleurs au monde.
Bonnes études au Canada et ou que vous êtes parti dans cette grande Amérique que nous sommes aussi.
Les formations sont adaptées au modèle consommateuroccidental et non zu developpement et epanouissement de nos peuples cultures. Donc meme quand ils reviennent ils ne trouvent rien à faire chez eux!!!
Vous avez tous de belles histoires et du vécu ! Donnez chaqu un des solutions créatives et regroupez vous pour les mettres en application .
Michelle, je ne crois pas que « seuls les hommes politiques détiennent les réponses. » comme tu le dis dans ton billet. Les causes de ce chômage de masse sont en grande partie structurelles et il faudrait opérer des changements économiques profonds dans nos sociétés insulaires pour prétendre y remédier.
Changements dans cette économie de comptoir (celle qui créé de la « pwofitasyon » (celle des profits abusifs), qui sauraient difficilement se faire sans changement du cadre politique et de nos rapports avec la France.
Le secteur de la fonction publique ne saurait seul absorber les contingents annuels successifs de diplômés.
Peut-être que certains étudiants doivent aussi « rêver » à d’autres filières que les classiques : médecine, pharmacie, droit… et songer aux métiers liés à l’environnement, aux métiers de la mer, aux énergies nouvelles, à des spécialités tropicales…
Grace aux nouveaux médias et aux possibilités des réseaux, oser inventer de nouvelles manières d’entreprendre…