Comme je l’ai annoncé dans mon billet pour le 3e anniversaire du blog, je vais cette année développer la rubrique Invité, car j’ai toujours eu envie d’offrir une page blanche virtuelle à d’autres pour qu’ils puissent partager leur point de vue sur la Caraïbe, ses enjeux, mais aussi d’autres sujets. J’en ai parlé à Malika Danican, et elle a dit : oui ! Voici donc son billet.
Je crois qu’il n’y a de lieu ou de temps dédiés au service. Notre vie est service. Et dans un microsystème comme la Guadeloupe ou la Grande Caraïbe encore plus. Nous avons besoin les uns des autres. En paraphrasant un adage, je dirai que, si nous avons, seul, la possibilité d’aller vite… Pourquoi ne pas choisir, ensemble, d’aller plus loin ?
Lors d’une mission au Mali, j’ai eu l’immense privilège de compter sur la disponibilité d’un chauffeur hors pair, Labassi Diabaté, incarnant admirablement courtoisie et amabilité. À nos débuts, je lui ai demandé quelles étaient habituellement ses horaires de travail, et sa réponse fut la suivante : « Je serai là tant que vous aurez besoin de moi ».
Plusieurs mois plus tard, je demeure marquée par ses propos. Sa simplicité et son dévouement auront changé ma vie, me conduisant aujourd’hui à la rédaction de ce billet.
Vous êtes-vous déjà interrogé sur la définition et l’implication du « service » ?
Parce que s’il y a un concept qui me fascine et m’obsède, c’est bien celui-ci.
Du latin « servitium », la notion de service ramène étymologiquement à celle de captivité, d’esclavage ou encore d’assujettissement. A priori, rien de très positif, me direz-vous ! Pourtant, de l’exercice même du service, on retient l’idée d’une action à la bonne intention d’autrui ; celui qui sert rend agréable l’expérience de son sujet. Le service nous concerne toutes et tous, à chaque heure du jour et même chaque étape de notre vie. Nous évoluons constamment dans un jeu de rôle, un rapport inter changé servant/servis.
Aussi, dans son authentique polysémie, le service relève tantôt d’un caractère sacré, l’ensemble de devoirs envers la divinité, tantôt d’ « obligation » des citoyens envers l’État. On y retrouve également une dimension politique, socioculturelle, économique, militaire, sportive… Bref, tout un concept !
À mon sens, la notion de service ramène inévitablement au « don ».
Servir, c’est faire don de soi, de son temps, de ses capacités, de ses talents, de sa personne. Servir c’est donner, dans la plus grande des libertés, sans toutefois être serf. Et en ce sens, la disponibilité de Diabaté a fait l’objet d’une réelle remise en question. Cet homme est aujourd’hui un modèle et une source d’inspiration. En embrassant mon programme et mon projet, il a grandement contribué au succès de ma mission au Mali.
Dans nos quotidiens et entreprises, sommes-nous de celles et ceux qui, à l’instar de cet homme dévoué, mettent temps et compétences au service de notre prochain? Parvenons-nous à accompagner nos proches, collègues, amis et familles dans leurs initiatives ? Ou au contraire, vivons-nous dans la quête de nos propres désirs ?
Avons-nous des causes qui nous tiennent à cœur et que nous défendons au profit d’autrui ?
L’engagement politique ou le service symbolique
Ma sensibilité au service, je la dois assurément à la politique. Mes années d’implication en politique fédérale, provinciale et municipale, m’ont permis de côtoyer tant des élu(e)s, que du personnel politique ou des militants bénévoles, et aujourd’hui, le système étant ce qu’il est, j’affirme avec certitude que la politique est une admirable école du service.
Je ne saurais bien entendu être ignorante et encore moins insensible au cynisme à l’égard de la chose politique – j’observe d’ailleurs une certaine réserve quant à l’approche hobbesienne du contrat social, mais il demeure qu’à mon sens, la vocation première d’un gouvernement et plus largement toute instance publique et politique demeure le service. En d’autres termes, Servir est l’essence même du politique.
En effet, l’impact du service au sens de « don » est tel qu’il serait fourbe que de ne pas reconnaître la valeur de tels engagements.
À cet égard, et pour reprendre une lettre ouverte exprimée il y a quelques mois, je dirais que :
« Derrière la politique, il y a la vie, et derrière la fonction, il y a l’humain. Je remercie et encourage tous celles et ceux qui se donnent, avec honneur et intégrité. J’aimerais vous dire que vous ne tombez pas aux oubliettes, mais qu’au contraire, vos efforts et vos acharnements ont raison. Rien ni personne ne vous ôtera vos contributions. Le jeu de la démocratie étant ce qu’il est, vous resterez dans l’histoire et l’estime de plusieurs, ceux qui saisissent la portée de vos implications et réalisations. Merci de vous donner et de vous être donné. »
Je crois que le service change la donne, le service change des vies.
À notre échelle et quelques soit nos défis, nous pouvons et devons nous appliquer à servir, dignement. Et de même qu’une personne qui m’est chère me partageait récemment sa déception quant à la loyauté ou du moins l’absence de loyauté qui régit aujourd’hui nos relations et nos engagements, combien d’entres-nous placent aujourd’hui cette valeur au cœur de nos actions?
Enfin, s’il s’avère que ce billet trouve écho, je vous encouragerais à servir, d’un service teinté d’humilité et de loyauté. De votre pouvoir, de vos capacités et dans votre environnement, avec les armes que vous possédez, celle qui vous font « vous ». On ne peut parler que de ce que l’on sait, et je crois que tous, à notre échelle et dans notre domaine, nous sommes en mesure de nous donner, de servir, et ce, dans la plus belle des libertés.
Alors, parce qu’il est encore temps et de la meilleure façon qui soit, servons.
Cédrick Isham-Calvados est une source d’inspiration pour Malika Danican : « Pour Cédrick, nous sommes bruts et devons inévitablement passer au pressoir de la vie… Et donc, l’idée de revenir au service, c’est un peu revoir les bases de notre individualisme et nous transformer pour être un meilleur produit ».