Avec Axelle Kaulanjan, une coopération caribéenne très concrète

Cela fait des années que je connais Axelle Kaulanjan. Nous avons beaucoup collaboré ensemble au fil des ans, concrétisé de multiples projets, notamment de coopération caribéenne. Je crois bien que ce que j’admire chez elle, c’est sa capacité à faire en sorte qu’une simple idée devienne un concept vraiment intéressant, impactant, voire inspirant. Je pourrais citer plusieurs exemples, mais je préfère rentrer tout de suite dans le vif du sujet.

Il y a quelques jours, s’est tenue à Port-au-Prince la première session de l’Académie de Leadership Politique Féminin d’Haïti, un projet qu’Axelle Kaulanjan a élaboré avec des experts haïtiens bien connus, Daniella Jacques et Roudy Penn. 80 femmes ont été formées par des experts nationaux et internationaux caribéens durant une semaine mi-décembre 2020.

Photo PoliticoTech.

L’aboutissement d’un long processus qu’Axelle Kaulanjan a bien voulu me raconter. Interview.

« La clientèle de mon cabinet Alpha Kappa International étant majoritairement caribéenne, je fais notamment de la veille concernant les appels d’offre internationaux. En novembre 2018, je suis tombée sur un appel de l’ONUF Femmes pour un programme financé par le Gouvernement du Canada et relatif à la réduction des violences faites aux femmes en contexte électoral.

Il s’agissait de créer une académie de leadership politique féminin afin de donner des clefs de réussite d’une campagne électorale à des femmes qui se présentaient comme candidates aux élections parlementaires pour la toute première fois en Haïti. Celles-ci étaient soit déjà des leaders politiques affirmés, soit – pour la majorité d’entre elles – des femmes ayant une vision à défendre, mais ne possédant pas tout l’appareillage électoral en matière de communication, stratégie, juridique, etc. »

 

Une académie nécessaire

« En Haïti, la parité n’est que de 30%. C’est un concept récent, cela ne fait pas longtemps que ce taux a été rendu obligatoire. Il s’agit d’un progrès, mais il reste que dans ce pays, il n’est pas encore évident qu’une femme puisse être un leader politique. Il y a d’ailleurs eu très peu de femmes en Haïti qui se sont affirmées en tant que tel, ont gagné ou se sont imposées en tant que leaders même en ne gagnant pas. »

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Coopérer, évidemment

Daniella Jacques. Photo PoliticoTech.

« En découvrant l’appel à projet de l’ONU Femmes, mon premier réflexe a été de contacter ma partenaire, Daniella Jacques, qui est présidente de la Chambre de Commerce des Femmes Entrepreneures d’Haïti, mais aussi directrice des opérations de PoliticoTech, une entreprise qu’elle a montée il y a 5 ans avec son époux, Roudy Penn. Cette dernière est spécialisée, comme mon cabinet, dans la stratégie électorale, communication digitale et la gestion de crise.

Il était évident pour moi qui voulait répondre à un appel d’offre pour Haïti de faire appel à des partenaires haïtiens compétents, de confiance, avec lesquels je partage les mêmes valeurs. J’avais déjà travaillé avec Daniella Jacques sur un projet de très grande envergure en 2013, le Sommet des Jeunes entrepreneurs innovants, financé par des bailleurs de fonds internationaux tels que l’Union européenne, mais aussi la Banque Interaméricaine de Développement pour laquelle je travaillais à l’époque et qui m’avait mise à disposition du Ministère du commerce d’Haïti. Je savais qu’ils seraient des partenaires à la hauteur.

 

Un processus de 2 ans enfin concrétisé

« Nous avons travaillé une offre ensemble. Je me suis occupée essentiellement de la partie académique, pédagogique et administrative. Daniella Jacques et Roudy Penn se sont chargés du côté pratique, sur le terrain, parce qu’Haïti présente des spécificités qu’il faut prendre en compte. Ils sont bien connus sur place, il était donc naturel que cela soit eux qui mènent les opérations.

Le projet que nous avons présenté a beaucoup plu à l’ONU Femmes qui nous a accordé le marché en 2018. Au départ, nous avions fait une proposition pour un mois de formation en présentiel totalement. Cependant, il y a eu des soubresauts en Haïti, puis le coronavirus, nous avons dû différer l’exécution du marché et aussi l’adapter. Finalement, l’Académie a proposé une session de formation d’une semaine concentrée, avec des cours allant à l’essentiel et des ateliers pratiques animés par des experts nationaux haïtiens et internationaux de la Caraïbe, sur place et en vidéoconférence.»

« Pour moi, il était important d’avoir des experts caribéens, qui connaissent le contexte, la culture et les pratiques haïtiens, régionaux, et auxquels les femmes participantes pourraient s’identifier. Nous-mêmes, en tant qu’experts, nous avons vécu des situations qu’elles vivent ou vivront et nous sommes donc plus aptes à les conseiller en termes de stratégies de contournement. »

 

Des clefs pour faire face aux violences

Photo PoliticoTech

« Lors de l’Académie, nous avons informé les participantes sur les bonnes pratiques, stratégies, concernant les violences sexistes en contexte électoral. Ces dernières peuvent être très frontales, mais aussi plus détournées. Nous avons en commun en Haïti, en Guadeloupe, en Hexagone ou encore au Canada, le fait que beaucoup de femmes engagées en politique sont soumises à de telles violences. »

 

Une Académie essentielle, à renouveler

« Nous espérons que cette Académie sera renouvelée. Lors de nos échanges avec les participantes, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait également organiser une autre formation, un peu avant ou après les élections, qui portera sur gouverner au féminin. »

« Mener campagne et être élue au féminin, c’est une chose, mais exercer le pouvoir en tant que femme, c’est encore autre chose. »

Nous avons eu l’exemple de Nice Simon, la mairesse de Tabarre (ndlr : une ville en Haïti) battue par son mari, parce qu’elle n’avait pas accepté qu’il s’ingère dans les affaires publiques. Ce n’est pas un cas isolé, parce que beaucoup de personnes pensent encore qu’une femme élue ne peut qu’être une marionnette.

Nous voulons mettre en place des formations qui tiennent compte des aspects spécifiques aux femmes, que ce soit en termes d’organisation, d’anticipation pour parer aux violences, de sensibilisation concernant les dangers qu’elles pourraient rencontrer, que de lobbying, de communication. »

Ainsi, Axelle Kaulanjan entend poursuivre à l’échelle caribéenne ses initiatives pour encourager le leadership politique féminin, mais aussi donner des clefs de réussite aux femmes qui s’engagent sur ce terrain parsemé d’embûches. Et j’apprécie, bien sûr, que cela rime pour elle avec la coopération régionale, le recours à des experts de notre région, la valorisation des compétences internes et des ambitions toujours plus fortes.

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  1. Pingback: Caribbean Boss Lady, plateforme du leadership féminin : mode renaissance activé

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