RFO n’existe déjà plus… en tant qu’entité juridique. La chaîne est englobée dans le groupe France Télévisions (FTV), devenu entreprise unique suivant la loi sur la réforme audiovisuelle promulguée en mars dernier. Disparition de la publicité en 2011, arrivée en Outre-mer des autres chaînes publiques avec la télévision numérique terrestre gratuite (TNT) à partir de 2010, l’avenir de RFO est de plus en plus sombre.
RFO a beau être le premier media en Outre-mer, l’inquiétude est plus que jamais de mise. Première source d’angoisse : la « loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision », dont certaines dispositions apparaissent comme lui étant peu favorables. L’article 1 mentionne l’obligation pour France Télévisions de devenir une entreprise unique. Pour ce faire, le groupe public a absorbé France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO.
Depuis avril, ces sociétés n’existent donc plus juridiquement. Grâce cette transformation majeure, le Gouvernement espère atteindre un objectif précis : réduire les coûts, en supprimant les cloisonnements entre les chaînes, en optimisant les services. En ces temps de difficultés budgétaires au niveau national et de crise mondiale, l’audiovisuel public doit lui aussi faire des économies…
Mais cette fusion n’est pas du goût de tout le monde, et surtout pas des salariés de France Télévisions, dont font désormais partie les 1948 employés de RFO, qui craignent pour leur avenir. En mars dernier, Patrick de Carolis, le président-directeur général de FTV, s’est voulu rassurant : « pour chacun d’entre vous (ndlr : il s’adresse aux salariés), rien ne va changer, sauf le nom de votre employeur sur le bulletin de salaire que vous recevez à la fin du mois : ce sera désormais France télévisions. Vos droits, votre salaire et votre ancienneté sont totalement préservés et il n’y aura ni nouveau contrat de travail ni changement de statut ». Et il a aussi affirmé avec force qu’il n’y aurait ni plan social, ni fusion des rédactions.
Malgré ces promesses, le personnel de RFO est sur ses gardes, comme le prouve la grève d’une partie de ses salariés en février dernier pour protester notamment contre le projet de la direction de diffusion centralisée des programmes. Ils ont même interrompu la diffusion des programmes pendant plusieurs jours, après que « France O a écrasé la télé pays et imposé son magazine débat » sur l’antenne locale, selon les explications de Michèle Philémon, secrétaire du comité d’entreprise de la CTU – RFO Guadeloupe.
« Equation insoluble »
Une autre disposition de la loi sur la réforme audiovisuelle inquiète : la suppression de la publicité sur l’ensemble des chaînes publiques, au plus tard le 30 novembre 2011. Ainsi RFO, dont le budget total se monte à environ 270 millions d’euros va devoir bientôt faire sans cette ressource financière. Cela équivaut à une perte d’environ 18,6 millions par année pour RFO, 450 millions au total, selon les estimations gouvernementales. Certes, la loi prévoit la création de deux taxes pour pallier le manque à gagner – l’une sur les recettes publicitaires des chaînes privées, l’autre sur les fournisseurs internet. Mais, le compte sera-t-il bon ? L’incertitude pour le moment demeure.
Or, RFO aura d’autant plus besoin d’argent qu’elle va devoir élaborer de nouveaux programmes pour « survivre », face à l’arrivée des nouvelles chaînes publiques dans le paysage audiovisuel ultramarin, par le biais de la télévision numérique terrestre (TNT), en 2010 maximum. Pour le moment, « entre 80 et 90% des programmes de RFO Guadeloupe proviennent des autres chaînes publiques », affirme Robert Moy, ancien directeur de RFO Guadeloupe et actuellement directeur de projet TNT/ADSL à RFO.
Avec la TNT, RFO ne pourra plus compter sur ces programmes. Par exemple, le célèbre jeu « Questions pour un champion » est aujourd’hui à l’antenne sur France 3 et sur RFO. Cela fonctionne car France 3 n’est pas disponible par l’ensemble des téléspectateurs ultramarins. Mais ce ne sera plus le cas avec la TNT.
En plus de devoir innover avec des moyens limités, RFO va devoir faire avec une concurrence de plus en plus forte. En effet, les medias locaux privés vont bientôt pouvoir se partager l’ensemble du marché publicitaire et bénéficier de ressources supplémentaires. Une bien mauvaise chose pour la chaîne ultramarine qui donne déjà aujourd’hui des signes de faiblesse en terme de part d’audience – certes minimes – face à un paysage audiovisuel de plus en plus concurrentiel (ndlr : voir encadré intitulé « Quelques chiffres clés »).
Miser sur le local
RFO a nombre de défis à relever pour l’horizon 2011. Impossible, murmurent les sceptiques et les pessimistes. Mais pour Robert Moy, « RFO ne peut pas disparaître car elle a un rôle important à jouer au niveau local : mener une mission de service public« . Il préconise le renforcement de la production locale, de la coopération régionale avec les pays de la Caraïbe. RFO deviendrait ainsi une chaîne spécifique, avec de nombreux programmes locaux de qualité. Pour obtenir l’aide de l’Etat, il faudra une mobilisation des élus parlementaires et le soutien de la population domienne.
Une réforme très controversée
La réforme audiovisuelle n’a pas été élaborée et votée sans remous. Voici les principales étapes du parcours chaotique de ce texte :
En 2008, beaucoup de polémiques et d’âpres débats.
– 8 janvier : Nicolas Sarkozy annonce sa volonté de supprimer la publicité sur les chaînes publiques.
– 25 novembre : début de l’examen du projet de loi par les députés.
– 10 décembre : les sénateurs commencent à examiner à leur tour le projet de loi.
– 16 décembre : à la demande de Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la communication, le Conseil d’administration de France Télévisions vote en faveur de la disparition de la publicité sur les chaînes publiques, entre 20h et 6h dès le 5 janvier 2009.
En 2009, la réforme est adoptée et promulguée.
– 4 et 5 février : la loi sur la réforme audiovisuelle est adoptée par l’Assemblée nationale, le lendemain par le Sénat.
– 6 février : le Conseil d’Etat rejette la plainte déposée par les sénateurs des partis socialiste et communiste.
– 9 février : le Conseil constitutionnel est saisi par les sénateurs PS au sujet de la réforme. Sans succès.
– 5 mars : la loi modifiée est votée.
– 7 mars : la loi est promulguée au Journal officiel.
– 8 avril : le projet d’architecture générale décliné par secteurs d’activité est présenté aux managers réunis en convention.
Quelques chiffres clés
RFO représente :
– 17 chaînes de télévision, 6420 heures de programmes locaux TV diffusées en 2008
– 9 radios pays, 57 000 heures de programmes radios et une web radio, Radio Ô (ndlr : le site est : radio.rfo.fr), lancée en juin 2008, à l’occasion de la fête de la musique
– 10 centres de production
– 1948 employés permanents et non permanents
Le bilan financier de 2008 était bon :
– 270,1 millions d’euros de chiffres d’affaires, soit 3,3 % d’augmentation par rapport à 2007
– un bénéfice net de 4,2 millions d’euros
Mais côté audience, l’audience était en légère baisse :
– en Martinique : 39,1% de part d’audience (PDA) sur les 15 ans et plus en 2007 contre 34,8 % fin 2008.
– en Guadeloupe : 47,3 % de PDA en 2008, contre 48,3% en 2007
– en Guyane : 48 % de PDA en 2008, à comparer aux 55% enregistrés fin 2007
Une érosion de la part d’audience liée à la « montée en puissance de l’offre élargie (ndlr : c’est-à-dire : le câble, le satellite, la parabole) et à une fragilisation depuis plus d’un an des rendez-vous d’information du midi », une explication mentionnée dans le rapport financier de France Télévisions.
Source : Rapport annuel 2008 et rapport financier 2008 de France Télévisions
Un article écrit en 2009, tiré de mes archives.