Rencontres caribéennes : Fabrice David : FWI & Fun !

Quel plaisir de reprendre mes activités pour Le blog de Mylène Colmar ! Après la série d’interviews de fin 2020, je me suis promis de continuer à échanger avec de formidables personnalités, des profils inspirants pour enrichir mes Rencontres Caribéennes.

Cette fois-ci, c’est Fabrice David qui m’a dit oui ! Bien que nous nous connaissions déjà avant, je n’avais jamais pris le temps de discuter de longues minutes avec lui. C’est pourquoi il est le premier à rouvrir les interviews après près d’un an de pause. 

À la fin de notre échange, je n’avais qu’une hâte : commencer à écrire. Vous comprendrez pourquoi !

 

 

« D’accord… et je dois me présenter, là ? »

 

Voici ce qu’il me répond quand je lui demande de me parler de lui. Juste avec cette question, je sais que, pour le reste de l’interview, je vais rire ! Et je ne me trompe pas. 

D’origine guadeloupéenne, il grandit entre Les Abymes et Le Gosier.

Après avoir mis un pied puis l’autre respectivement en Martinique et en Angleterre pour les études, il revient s’installer en Guadeloupe et exerce le métier de contrôleur de gestion. Son travail l’amènera plus tard à se rendre en Guyane, à Saint-Martin et dans l’Hexagone. Il est aujourd’hui agent immobilier.

Il se présente comme un guadeloupéen avec des influences africaines de par son père.

 

« Mon père est né en Centrafrique, mais de parents guadeloupéens. Mon grand-père était parti pour y travailler. Ils ont donc appris la culture là-bas. Grâce à des vacances régulières en Guadeloupe, la connexion a toujours existé. »

 

Son père apporte avec lui et le reste de sa famille une influence que l’on retrouve dans la décoration d’intérieur et l’intérêt pour l’art.

 

« Chez moi, la transmission des influences est double. »

 

D’une part, il s’agit de l’afro descendance par l’histoire des peuples antillais, et d’autre part d’une transmission directement venue de son père.

Poulet Yassa, riz sénégalais, Thieb, et bien d’autres plats lui étaient familiers, avant même d’avoir mis un pied en Afrique.Il m’assure même qu’il connaît quelques mots de certains dialectes. Peut-être me les révélera-t-il un jour ! 

 

F.W.I.

 

Entre quelques mots envolés, la discussion se poursuit. En tant qu’Antillais, il est commun d’entendre de la part de non-antillais, des clichés et stéréotypes. Pour autant, sont-ils tous faux ? Je demande à Fabrice.

« Nou ka ri fó1 ». La preuve en est, nous en rions. « Et puis, on tape du pied. » C’est vrai, quand on est près d’un antillais qui rigole, on est obligé de rire aussi, c’est contagieux !

 

Je suis encore plus curieuse de savoir quelle est, selon Fabrice, la plus belle chose à propos de notre culture.

 

« C’est la vérité qu’il y a en nous. »

 

Cette phrase me fait hausser des sourcils. Je n’aurais pas pensé à cette réponse, je dois l’avouer. « Cette vérité qui se traduit dans le langage, dans l’amour qu’on va donner aux enfants, que l’on va trouver dans la nourriture… Quand une maman ou une tatie rentre pour battre son faitout dans sa cuisine, c’est pas pour 15 minutes et puis ‘ba‘y lè2’. Et surtout après, ‘manjé manjé ay’, hein ! C’est cette vérité qui fait que nous sommes nous avec toutes les particularités que ça apporte. Je trouve cela très riche. Il y a toujours quelque chose de vrai qui transparaît d’un Antillais même s’il essaye de s’envelopper. Que ce soit dans le corps, le langage, le moment où le créole va intervenir dans son discours en français. Même s’il essaye de la cacher, la vérité, elle s’échappera d’une façon ou d’une autre. On est vrai. »

(Qu’est-ce que j’avais hâte d’écrire ça!).

 

Pour Fabrice, la vérité se perd tellement de nos jours dans le monde, que c’est important pour nous de la cultiver. Elle prouve qu’il y a de l’humain chez nous.

 

Sur la même lancée, nous parlons du créole. Il me dit que pour lui, l’apprentissage du créole à l’école est une excellente chose, parce que celui-ci est omniprésent. C’est intéressant de lui donner une légitimité officielle quand il est à l’école, car il reste toujours des traces de la croyance que parler créole n’est pas toujours poli. 

Enseigner le créole à l’école renvoie l’idée que le créole est une langue à part entière et qu’elle a toute sa place à prendre, qu’elle soit dans la cour de récréation, à table avec les parents ou au travail.

 

« Dans toute langue, il y a des registres de langue. »

 

Il poursuit en argumentant que le créole varie en fonction de la personne à qui on s’adresse et du contexte. « Apprendre cette langue dans le cadre scolaire va légitimer l’existence de la langue dans tous les lieux, et permettra à beaucoup de gens d’être plus eux-mêmes. »

 

Nos mots nous portent vers nos traditions, et je lui demande s’il y en a une qu’il aimerait voir perdurer ou alors disparaître. 

 

« Le carnaval ! », s’empresse-t-il de me répondre. « À mon avis ça devrait être notre premier business en Guadeloupe, et vu l’étendue de sa durée, cela devrait être la période touristique phare ! La culture est dans les musiques, les costumes, les chansons, l’histoire, l’amusement, la danse, l’art, la couture, la nourriture… Il y a de tout dans le carnaval. Et puis la vérité des gens ! »

Il m’explique comment les personnes adaptent leurs emplois du temps pour se préparer au carnaval, et m’avoue qu’il aurait aimé que cet événement soit plus ouvert. « Pour moi, le carnaval c’est vraiment la rue au peuple. Il faut une ouverture, et ne pas se contenter de groupes organisés et de spectateurs. » Il aimerait voir plus de participation de la part du peuple même, que chacun s’exprime comme il le souhaite sans forcément être dans un groupe. « Si on passe à côté de l’objet même pour moi du carnaval qui est la rue au peuple, on va s’y perdre. Une sur-organisation pourrait tarir la liberté d’expression qu’apporte le carnaval. Elle peut exister mais sans occulter la présence d’une libre expression des individus. »

 

« Pour moi, le carnaval, c’est la soupape de décompression, où on tire le rideau des obligations sociales diverses et variées, et on lâche prise. En résumé, j’aime ça. »

 

Fun

 

Quel plat antillais serais-tu et pourquoi ? Autre question que je pose à Fabrice David.

« L’interview va sortir quand ? Parce que cela peut influencer ma réponse…», me demande-t-il, dans l’embarras.  Il a même du mal à choisir entre plat sucré et salé.

Après quelques éclats de rire, et une courte hésitation il me détaille un plat de racines. « C’est plus léger et meilleur au goût que le riz », me dit-il. Court-bouillon de poisson, parce qu’il adore le poisson frais, avec haricots rouges consommé. 

 

Dominos ou belote ?

« Tu me poses une colle parce que je ne joue à aucun. » Il choisit quand même la belote pour la simple raison que c’est le jeu auquel il a le plus joué comparé aux dominos, qui l’ont rarement diverti, sauf quand il était en Martinique. Il ajoute : « Pour le domino martiniquais, les gens sont à trois, montent sur la table pour mettre les gens cochon3… ». Et nous rions encore.

 

Une chanson de zouk sous-côtée ?

« Ola ou ay chèché sé kestyon la sa ?4 » rétorque-t-il. « Il y en a tellement… C’est une question qui est difficile parce que je suis un fan de zouk, et la société de consommation fait que de nos jours, une chanson sort mais on l’oublie vite, non pas parce qu’on n’aime pas la chanson mais on passe vite à autre chose. »

Sa réflexion fut longue, mais j’avais hâte qu’il me partage un morceau de sa bulle musicale. Il m’a fait découvrir « Movetan » de Marie-José Gibon, un zouk rétro qu’il affectionne particulièrement.

 

Bokit ou agoulou ?

Sans aucune hésitation, il s’exclame : « bokit ! ». La pâte plus légère du bokit fait toute la différence pour lui. « Le bokit ne me renvoie pas que c’est du junk food. Mon estomac est au clair avec sa digestion, en fait. Pourtant, je n’en mange pas souvent. Par contre, tu ne me feras pas manger un agoulou. Sa ka maré lestonmak aw.5 Il n’y a pas de compatibilité entre l’agoulou et mon estomac.»

Et nous rions encore plus !

 

Sorbet ou sinobol ?

Il choisit le sorbet encore une fois sans hésiter. C’était une évidence.

 

Quelle est LA chose à faire quand on arrive en Guadeloupe ?

Si on revient en Guadeloupe, la première chose à faire c’est d’aller manger chez maman, chez mamie, chez tatie… C’est l’étape incontournable, selon Fabrice. On se doit d’aller manger un bon repas fait maison.

Pour les touristes, ce serait d’aller prendre un bain de mer.

 

Nous avons abordé tant de sujets en trois quarts d’heure !

De la gastronomie, aux clichés en passant par la culture, la langue et les origines. Une multitude d’aspects de nos vérités en tant qu’antillais a été couverte par nos mots et nos rires. C’était un moment non seulement enrichissant, mais aussi divertissant qui m’a fait faire le tour des Antilles, avec une petit détour en Afrique, sans même avoir à me déplacer.

 

1 : « On rigole fort. »

2 : Cela signifie « ne viens pas l’embêter ».

3 : Expression qui signifie « empêcher à un participant de jouer, en le bloquant avec une stratégie ».

4 : « Où es-tu allée chercher ces questions, hein ? ».

5 : « Non. Ça te noue l’estomac. »

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