J’ai été très honorée d’être invitée par Michele Marius à participer à son podcast bien connu sur les technologies de l’information et de la communication dans la Caraïbe. Elle reçoit des experts pour aborder des sujets très diversifiés, de manière conviviale.
Michelle Marius fait partie des spécialistes incontournables de notre région. Je la suis sur les réseaux sociaux et je consulte son site depuis longtemps. Je ne pouvais donc qu’accepter son invitation, même si mon anglais est un peu rouillé par des mois de non pratique.
L’épisode que nous avons enregistré est en ligne depuis quelques jours. Toutefois, comme il est en anglais, je tenais à faire un billet de blog pour les francophones, mais aussi en dire un peu plus sur ce podcast et le thème que j’ai proposé.
Avant de vous parler de mon intervention, je ne peux manquer d’évoquer l’autre invité de cet épisode : Andrew Olton, un Trinidadien, analyste de données, qui a choisi de parler du rôle des données et de leurs analyses pour retrouver du revenu pour les entrepreneurs après la crise liée au covid-19. Un sujet très intéressant, sur lequel je reviendrai dans un autre billet de blog.
Evoluer de manière constante et surtout pérenne
Concernant le thème de mon intervention pour ce podcast, Michele Marius m’a demandé mon avis. Je lui ai tout de suite répondu que je souhaitais parler des défis pour les médias caribéens en matière d’évolution numérique, les différentes clés pour assurer leur pérennité. Quand je dis médias, je pense aux traditionnels comme aux nouveaux.
Cette thématique me passionne, non seulement parce que je suis journaliste, mais en plus parce qu’il s’agit d’un vrai enjeu dans ce monde où l’information mais aussi tout et n’importe quoi circulent à vitesse grand V.
Pour enregistrer, nous avons échangé à batons rompus et j’ai fait de mon mieux pour livrer un point de vue argumenté. Pour ceux qui comprennent l’anglais, je vous invite à écouter, si ce n’est déjà fait.
Quel avenir pour nos médias caribéens ?
Je vais vous livrer l’essentiel de mon propos en la matière, car sinon la longueur de ce billet de blog sera redoutable.
D’abord, un peu de contexte
La question du numérique, des ICT, de la digitalisation est centrale, majeure. Beaucoup de médias traditionnels caribéens ont évolué en migrant de l’offline à l’online, ou en couplant les deux. Toutefois, nombre d’entre eux étaient réticents, ont créé des plateformes sur le web parce qu’il fallait le faire. Beaucoup ont mis en ligne des sites il y a quelques années et n’ont pas fait de changement.
Puis sont apparus de plus en plus de nouveaux médias (sites d’information uniquement online, blogs, comptes sur les réseaux sociaux, podcasts, etc.) et une foule de nouveaux outils TIC.
L’évolution principale pour nombre de ces médias caribéens a consisté ces dernières années à miser sur l’audio et de la vidéo. Cependant, il reste encore du chemin à faire pour assurer leur existence, leur longévité.
Exemple : France-Antilles/France-Guyane, seul quotidien présent en Guadeloupe, Martinique et Guyane, a été en grande difficulté et a failli disparaître en mars dernier. Le problème est que son évolution vers le numérique – avec du contenu majoritairement textuel, juste un peu de vidéo et d’audio – n’a pas fonctionné. Pour rappel, le journal a finalement été acheté par Free, grand groupe de télécommunication en France.
Défi après défi
Il y a donc un vrai défi pour que les médias caribéens soient pertinents, rentables, et les TIC tiennent un rôle majeur dans les solutions à mettre en oeuvre.
La question principale est comment bien utiliser :
- les formats comme les podcasts, webseries, chatbots, infographies, etc.
- les outils/plateformes comme Zoom, TikTok, Google Meet
- la diffusion d’événements en direct (lives)
- l’intégration des sous-titres -> nous sommes dans une région aux multiples langues…
- l’analyse et l’utilisation des données
- la collaboration entre médias via des outils et plateformes -> la collaboration est pour moi une clé de développement dans une région où les marchés sont petits
- l’intégration des réseaux sociaux -> interactions plus fortes/créations de communautés.
Et il existe sans doute d’autres formats et outils, bien sûr.
Pour se développer, les médias caribéens doivent trouver des solutions pour :
- trouver des financements -> vers une monétisation des contenus et la mise en place d’abonnements en ligne, davantage de publicité sur les supports et des partenariats pertinents
- faire avec une qualité très variable de la connexion internet -> adapter les formats pour faciliter la consultation des contenus et trouver des solutions pour alléger les sites
- se former aux nouveaux outils -> s’informer et faire en sorte que les équipes s’emparent de ces outils rapidement.
A cela s’ajoute une problématique épineuse : la manière de consommer des Caribéens qui ont l’habitude du tout gratuit… Il faut faire preuve de pédagogie, communiquer sur la nécessité pour eux de payer pour consulter du contenu, de s’abonner aux médias caribéens, afin que ceux-ci puissent continuer à travailler.
Deux exemples intéressants
Vers où aller ? J’ai posé la question et j’ai voulu présenter un exemple régional : Chokarella, plateforme créée par Carel Pedre, un animateur radio, devenu grand communicant, influenceur bien connu. La plateforme met en avant l’actualité culturelle haiïtienne. Podcasts, vidéos, articles, lives, etc. Chokarella comporte beaucoup de contenus, boostés par l’influence régionale, internationale de Carel Pedre et d’autres personnalités. A noter que la page Facebook de Chokarella compte plus de 300 000 abonnés.
En matière de business model, le meilleur exemple est le New York Times qui a réussi à intégrer différents formats (podcasts, infographies, grands reportages, contributions) pour attirer un maximum d’internautes, mais surtout a réussi à les faire payer pour consulter tout ce contenu.
Poursuivre la réflexion
Bien sûr, comme je l’ai écrit plus haut, il y a tant à dire sur ce sujet ! Pour alimenter la réflexion, je vous invite à lire le texte en anglais de Michele Marius intitulé « Voir large ou restez sur une niche : faut-il forcément choisir l’un ou l’autre ? ».
En conclusion, 3 points importants
- Nous avons des capacités régionales extraordinaires en matière de créativité, de production de contenus.
- Nous avons une région multiculturelle, perçue comme un « laboratoire » au niveau mondial, car ses problématiques sont souvent les mêmes dans d’autres régions.
- Nous avons tout intérêt à ce que se développent des liens entre les médias caribéens, les acteurs de l’information de la Grande Caraïbe, afin de mutualiser les outils et les forces, et ainsi produire des contenus de grande qualité, qui permettront d’attirer toujours plus de lecteurs de notre région et de l’international.