Sargasses dans la Caraïbe : sempiternel fléau, terrible casse-tête, vecteur d’opportunités

Les sargasses, quelle plaie ! Et cela fait des années que cela dure, par cycle.

 

En ce moment-même, dans la Caraïbe, ces algues brunes s’entassent en masse, et leur décomposition donne lieu à une odeur d’oeuf pourri très désagréable dans l’air.

A cela s’ajoute le sulfure d’hydrogène, un gaz nocif, dont la concentration est synonyme de risques pour la santé. Et il y a également de l’arsenic… Les effets les plus connus de ce mélange détonnant sur les hommes : irritation des yeux et des voies respiratoires.

Comme le précise le Parc national de la Guadeloupe, « ce phénomène n’est pas seulement nuisible pour les humains. De nombreux témoignages montrent que les animaux sont eux aussi victimes de l’envahissement de ces algues. » Exemple : la mort des coraux et des poissons.

S’organiser (enfin) pour lutter ?

Concernant la lutte contre les sargasses, il y en a eu des réunions, des conférences, des études à l’échelle locale, régionale, internationale, au fil des ans… Et cependant, cette problématique certes complexe tarde à être solutionnée de manière efficace et pérenne.

Du côté de la Guadeloupe et de la Martinique, les acteurs de cette lutte sont récemment regroupés pour agir ensemble, en deux Groupements d’Intérêt Public (GIP). Cela avait été annoncé par le ministre délégué aux outre-mer en octobre 2022… Et cela s’est concrétisé en mars 2023 pour la Guadeloupe, deux mois plus tard pour la Martinique.

« Les GIP sont constitués entre l’Etat et les collectivités territoriales de Guadeloupe et de Martinique, auxquels s’adjoignent des partenaires privés comme une CCI ou des établissements publics comme l’Université des Antilles.
Leurs missions seront prioritairement :
Coordonner, par une programmation pluriannuelle, la mise en œuvre des opérations de prévention, de ramassage, de stockage et de valorisation.
Etre l’interlocuteur unique des partenaires financiers et institutionnels.
Recueillir et diffuser l’ensemble des données relatives à la prévention, à la recherche et à la coopération régionale. » – Extrait du communiqué de presse du Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer daté du 13 novembre 2022

Une histoire de (très) gros sous

« Les actions mises en œuvre par les GIP seront soutenues par les crédits du Plan national de lutte contre les sargasses 2022-2025. Une enveloppe mutualisée est prévue par la loi de finances pour 2023 à hauteur de 5 millions d’€ annuels sur la période, qui financeront les actions décidées par les membres des deux GIP », dixit le Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

« Pour pérenniser l’appui de l’Etat aux collectivités locales pour faire face au phénomène des sargasses, le Gouvernement vient d’adopter un second plan interministériel pour la période 2022-2025. Il est doté de près de 36 millions d’euros pour 4 ans. Ce budget traduit une augmentation de près de 30 % des financements de l’Etat. » – Extrait du communiqué de presse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique daté du 18 mars 2022.

Cela fait des années que les collectivités locales se plaignent d’un manque de moyens attribués par l’Etat et de la charge financière très lourde pour gérer les sargasses qu’il faut ramasser, entreposer, etc.

Une problématique à solutionner

A l’échelle caribéenne, la coopération est de mise. Lors de mes recherches, j’ai notamment lu cet intéressant dossier intitulé « La gestion des afflux massifs de sargasses dans la grande Caraïbe : nouvel enjeu de la coopération régionale », rédigé par Karine Galy et publié dans Etudes caribéennes en décembre 2022.

« La coopération régionale autour des sargasses dénote un régionalisme caribéen riche, mais complexe. Les initiatives déclinées au sein des diverses organisations témoignent d’une solidarité qui cherche encore ses marques, mais également de la nécessité d’une coopération plus globale. »

Ramasser et stocker les sargasses ne constituent pas des solutions à long terme. C’est coûteux et inefficace sur la longueur… C’est la raison pour laquelle il faut trouver de nouvelles manières d’utiliser ces masses d’algues.

« Dans certains territoires, comme la Martinique, la Guadeloupe, la République dominicaine, le Mexique, Trinité-et-Tobago, et Sainte-Lucie, une large gamme d’opportunités économiques dérivant de la réutilisation de la Sargasse (Théophile, 2019) est proposée : engrais organique pour l’agriculture, transformation en masse de tourbe, construction et alimentation des plages, produits pharmaceutiques, utilisations alimentaires, extraction d’alginate pour l’exploitation industrielle et utilisation dans la bioremédiation des eaux polluées, entre autres (Van der Plank, corbett et al., 2020). L’enjeu consiste dès lors, en la mutualisation des pratiques et le partage d’expérience au niveau régional. »

Année après année, ont émergé des solutions proposées par des acteurs publics et privés. Sélection.

En 2020, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a publié un « Guide de la valorisation des sargasses. Une ressource pour les chercheurs, les entrepreneurs et les responsables politiques des Caraïbes », dont l’auteur principal est Anne Desrochers.

J’ai relevé quelques exemples intéressants.

« En République dominicaine, AlgeaNova produit un compost à base de sargasses, avec 60 % de sargasses et 40 % de Leucaena leucocephala (aussi connue sous le nom de faux mimosa). Cette société a effectué des expériences de terrain pour connaître les effets de l’application du compost sur différentes cultures, et des analyses en laboratoire pour déterminer la composition du produit final.
Au Mexique, plusieurs entreprises agroalimentaires produisent du compost à base de sargasses destiné à l’agriculture. L’hôtel Moon Palace produit également du compost à base de sargasses, qui est utilisé dans l’enceinte de l’hôtel. » (P.32)

« Cosmétiques produits à partir de sargasses pélagiques dans la Caraïbe – Commercialisation :
– Alquimar & Grupo Metco (Mexique) : extraction d’alginates de sargasses pélagiques en vue de les utiliser dans différents secteurs, notamment dans les cosmétiques (voir section 4) ;
– Oasis Laboratory (Barbade) : production d’une gamme de soin de la peau à base de sargasses, comprenant des barres de savons (voir section 3.1.6) ;
– Salgax (Mexique) : cherche à commercialiser un traitement capillaire à base de sargasses (voir section 3.1.7). » (p.65)

Les sargasses constituent ainsi des opportunités économiques, presque des eldorados financiers, tant elles peuvent être utilisées à de multiples niveaux.

Des outils pour suivre cette problématique et les avancées

Je ne peux achever ce long billet de blog, sans mentionner les outils à disposition pour vous informer sur ce sujet d’importance.

The Sargassum Podcast (en anglais) 

Sur Twitter

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rumandsargassum.

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