Flashback Caraïbe : moi, journaliste et entrepreneure en temps de Covid-19

Ces derniers jours, j’ai plongé dans mes archives pour des raisons professionnelles et je suis tombée sur des textes intéressants. J’ai notamment retrouvé cette interview que j’avais rédigée en avril 2020 pour préparer un live sur Instagram avec Lily Lebawit, une journaliste, blogueuse expérimentée, l’une des experts incontournables de la Grande Caraïbe. Les questions sont bien sûr les siennes.

Le live a bien eu lieu et cela s’est très bien passé. 

Quasi trois ans plus tard, je trouve que ce texte constitue un témoignage pertinent à mettre en ligne. Le voici donc.

Comment est-ce que COVID a affecté ton travail comme journaliste et entrepreneure ?

En tant que journaliste indépendante, j’ai évidemment nombre de projets, de commandes qui ont été mis en pause. Cependant, j’en ai aussi eu d’autres d’entrepreneurs, d’entreprises souhaitant continuer à informer, ou d’autres souhaitant retravailler le contenu de leurs sites web.

En tant qu’entrepreneure, j’ai dû comme beaucoup faire en sorte de limiter les conséquences négatives au mieux. Exemple : J’ai co-créé  Foodîles, le magazine totalement #FOOD, avec une entrepreneure nommée Jessica Brudey, il y a un an et demi. Chaque numéro, cela représente des semaines de travail et ensuite la distribution de milliers d’exemplaires papier distribuées en Guadeloupe, la communication. Le numéro 5 devait sortir fin mars. dès l’annonce du confinement nous avons décidé de reporter la sortie. C’était une décision difficile mais évidente, parce que toute la vie s’arrêtait et nous ne pouvions imaginer sortir un magazine dans de telles conditions.

 

Comment est-ce que la Guadeloupe fait face à cette pandémie ?

C’est une question difficile parce qu’il s’est passé tant de choses et il s’en passe encore tellement. Quand le confinement a été instauré, il n’y a pas eu de vent de panique, parce qu’il y avait déjà eu quelques nouvelles par ci et par là… Et il faut rappeler que nous ne sommes que 380 000 sur un territoire de 1600 km2.

Nous avons eu rapidement des cas déclarés avec des personnes hospitalisées et les premiers morts, d’où quand même des craintes, des peurs. La Guadeloupe est un département français qui compte énormément de seniors…

Du côté de la population, les gens ont décidé de faire des courses et beaucoup d’entreprises ont fermé pour respecter le confinement. Cela ressemblait à l’arrivée d’un ouragan…

Du coté des autorités, il est sûr que la gestion de la crise a été très chaotique dès le début, qui donné lieu à beaucoup de critiques, du fait de plusieurs problématiques :

  • pas suffisamment de masques – comme dans l’Hexagone et dans bien des parties du monde
  • pas de tests, moins de gel hydroalcoolique
  • des médicaments essentiels en nombre insuffisant
  • plus grave, notre hôpital général principal était déjà mal en point – très vieillissant, ayant subi un incendie – le nouveau est en cours de construction
  • une sempiternelle problématique d’eau – comment se laver les mains régulièrement
  • des critiques ont vite émergé concernant toutes ces lacunes, des plaintes ont été déposées.

Les semaines passant, une organisation s’est vite mise en place :

  • télétravail, même si c’est difficile…
  • système de commandes/livraisons par les agriculteurs
  • commandes de masques par les institutions et des entreprises privées
  • fabrication de gels par des particuliers, des entreprises
  • fabrication de masques faits maison
  • opérations de solidarité pour les personnes en détresse, les seniors seuls
  • certaines entreprises ont réouvert.

L’humain s’habitue à tout et nous avons une capacité de résilience forte.

 

Quelles sont les mesures et règles en place?

Les règles actuelles sont celles du confinement voulu par l’Etat français.

– rester chez soi, sauf si tu dois obligatoirement te déplacer -> il existe deux types d’attestation dérogatoire – une pour les particuliers, l’autre pour les professionnels

– distanciation sociale et gestes barrière : plus d’un mètre cinquante les uns des autres, tousser dans son coude, ne pas aller à l’hôpital si on a des symptômes

– ouverture des commerces d’alimentation et d’autres secteurs d’activités ont été autorisés, mais il faut absolument avoir mis en place des mesures pour protéger les employés et les clients comme les masques.

 

Est-ce que les Guadeloupéens suivent les règles de confinement en ce moment où ils sont aussi têtus que dans les autres pays de la Caraïbe ?

Globalement, les Guadeloupéens ont bien respecté les règles durant les premières semaines. Nous avons l’habitude avec les ouragans de nous confiner chez nous… Cependant, au fil du temps, il y a un relâchement.

 

Dans les pays de la Caraïbe latine comme la République Dominicaine et la Colombie, le gouvernement et la police ont fait appel à la créativité (avec l’aide du secteur privé) pour faire comprendre à la populace de rester confinés a la maison. Par exemple, l’usage de campagne musicales. Et en Guadeloupe?  As tu remarqué d’autres mesures intéressantes?

Je n’ai pas remarqué d’initiatives spéciales. Il y a un spot du gouvernement français qui passe à la télévision.Cependant, certains artistes, blogueurs et influenceurs guadeloupéens ont eux-mêmes pris l’initiative de réaliser des vidéos pour inciter les gens à rester chez eux.

 

Côté assistance financière, quels sont les pays ou les organisations qui ont soutenu la Guadeloupe au niveau Covid-19?

La Guadeloupe est un département français, donc pas de soutien de pays ou d’organisations comme pour d’autres pays de la Caraibe qui ont eu l’aide de la Chine, de Taiwan, du Vietnam, etc.

 

Est-ce que la Guadeloupe peut s’en sortir sans tourisme?

Contrairement à d’autres territoires de la Région, le tourisme n’occupe pas une part aussi importante, primordiale. Bien sûr, il y a toute une économie et nombre d’acteurs bénéficient des retombées. Cependant, nous serons moins impactés que la République dominicaine ou Cuba. Nous avons surtout une économie de services. En 2017, le PIB du tourisme représentait un peu moins de 700 millions, soit 7% du PIB total.

 

Les campagnes actuelles du côté tourisme – sur les réseaux sociaux – qu’est ce qu’on en pense?

Les campagnes actuelles restent très standards, même si j’ai noté la volonté de faire des lives, des festivals virtuels… C’était l’occasion de faire une réelle campagne concertée entre les territoires caribéens, car nous devons face aux mêmes inquiétudes, problématiques.

 

Que penses-tu du « One Caribbean » – le fameux pont entre territoires de la Caraïbe ?

Il est plus que temps. C’est mon grand combat depuis des années. Certes, il y a la barrière de la langue, les différences culturelles, mais je veux regarder aussi ce qui nous unit :

1. cet amour pour notre région et la nécessité de la préserver – environnement

2. des difficultés économiques croissantes dans un monde globalisé où nous avons du mal à exister

3. Des pans patrimoniaux, culturels, communs.

 

Pour terminer sur une bonne note, quand ce cauchemar se termine, plus de lockdown: tes 3 sites préférés en Guadeloupe ou tu iras en premier?

La première chose que je vais faire, c’est aller marcher à Birmingham à Baie-Mahault, où tu marches entre les champs de cannes… C’est magnifique.

Ensuite, j’irai sans doute à la Pointe des châteaux à Saint-François, non pas pour me baigner, mais pour juste respirer.

Enfin, cela fait longtemps que je veux retourner à Grand-Bourg, Marie-Galante. Ma famille en est originaire.

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