Chine et Grande Caraibe : coopération, manne financière et influence tous azimuts

Au fil des mois, je vais tenter de répondre, ou tout du moins de traiter « les 20 questions essentielles pour la Grande Caraïbe pour 2018 » que j’ai listées dans mon billet traditionnel de début d’année.

Et pour commencer, j’ai décidé d’évoquer la question 12, « la Chine resserrera-t-elle encore plus sa toile ? », parce que l’actualité m’y a fortement poussé.

En effet, hier, s’est tenue la deuxième réunion ministérielle du Forum Chine-CELAC à Santiago, au Chili.

Pour rappel, la Communauté d’Etats latino-américains et caribéens (CELAC) est une organisation régionale qui comprend 33 États d’Amérique latine et de la Communauté caribéenne (Caricom). Sa présidence, tournante, est actuellement assurée par le Salvador, d’où le choix du lieu.

Quant à la réunion ministérielle du Forum Chine-CELAC, la première a eu lieu en janvier 2015 à Beijing ! Déjà à l’époque, l’objectif de la Chine était le même que celui qu’elle poursuit activement depuis le début des années 2000 : renforcer la coopération avec les pays latino-américains et caribéens. Via une succession de visites diplomatiques officielles. Faut-il rappeler que le président chinois, Xi Jinping, a effectué un voyage diplomatique dans la région en 2014, par exemple ? 

Via également une générosité liée à des accords. La fameuse manne financière chinoise, nombre de pays de la région en ont bénéficié au fil des ans.

En 2015, l’Agence française de développement (AFD) a sorti un intéressant document intitulé « La présence de la Chine dans la Caraïbe » que je vous invite à lire pour en savoir plus sur ces points et obtenir les chiffres essentiels. Cependant, je vous livre un extrait de l’introduction qui met bien en lumière quelques enjeux.

« Pour la RPC (ndrl : République Populaire de Chine), les enjeux du rapprochement avec la Caraïbe sont également d’ordre économique et commercial. Elle entend à la fois sécuriser son approvisionnement en ressources naturelles et écouler ses produits pour soutenir sa croissance.

Bien que les îles de la Caraïbe représentent un marché de taille réduite, comparé par exemple au reste de l’Amérique latine, et que leurs exportations de matières premières soient peu significatives, elles sont devenues néanmoins un partenaire intéressant pour le géant asiatique, du fait de leur extraversion, leur niveau de revenu en général relativement élevé et leur forte propension à importer. »

A ces raisons purement économiques, s’ajoute une autre toute aussi importante : l’extension de son influence mondiale. Cela est bien connu. Je n’écrirai donc pas plus dessus. Toutefois, je vous invite à regarder cette carte publiée sur le Caribbean Atlas.

De la coopération sud-sud… Mais encore ?

Pour en revenir à la deuxième réunion ministérielle du Forum Chine-CELAC, le ministre des affaires étrangères chinois, Wan Yi, accompagné d’une importante délégation, avait fait le déplacement pour y participer. Et il a bien sûr rappelé :

« La Chine restera toujours engagée sur la voie du développement pacifique et de la stratégie de l’ouverture gagnant-gagnant et elle est prête à partager les dividendes du développement avec tous les pays. » (traduction personnelle sur la base d’un extrait de l’article de Reuters)

Pour ce faire, elle a lancé en 2013 un gigantesque projet nommé « Une Ceinture, Une Route » (appelé également La Ceinture et la Route). « Cette entreprise de très grande envergure qui va redessiner le paysage géopolitique mondial vise à rouvrir et aménager des routes commerciales qui, pour certaines, empruntent les célèbres et antiques ‘routes de la Soie’ », selon les eplications livrées par Sciences et avenir. Plus de 60 pays sont concernés par cette initiative qui vise à mettre en places des routes terrestres et maritimes pour faciliter le commerce mondial.

Bien sûr, la Chine veut que les pays latino-américains et caribéens y participent. Dans sa tribune rédigée dans le cadre de la réunion ministérielle du Forum Chine-CELAS, le ministre des affaires étrangères chinois, Wan Yi, souligne :

« En tant qu’extension naturelle de l’ancienne route de la soie maritime, la région (…) est indispensable au développement de l’Initiative ceinture et route. De nombreux pays de la région espèrent que la coopération dans le cadre de cette initiative stimulera leur propre développement et portera les relations entre la Chine et les pays d’Amérique latine à un nouveau niveau. »

Et en conclusion, il écrit : « Unissons nos efforts et construisons vers une nouvelle forme de relations internationales caractérisée par le respect mutuel, l’équité, la justice et la coopération gagnant-gagnant et une communauté avec un avenir commun pour l’humanité. Ensemble, nous contribuerons à un monde ouvert, inclusif, propre et beau qui jouit d’une paix durable, d’une sécurité universelle et d’une prospérité commune. » (traduction personnelle sur la base d’un extrait de la tribune)

Autrement dit, tout le monde y a à gagner, tout ira bien dans le meilleur des mondes… La Chine ressort toujours ce même discours de générosité, de bienveillance envers des pays qui sont du Sud comme elle.

Concernant la Caraïbe plus spécifiquement, Wang Li apris le temps de rencontrer certains de ses homologues caribéens. Et là aussi, il a servi de beaux discours :

« La Chine est prête à relever conjointement les défis communs tels que le changement climatique avec les pays de la Caraïbe, à approfondir la coopération dans des domaines tels que la finance, la réduction et la prévention des catastrophes, a indiqué M. Wang. » (traduction personnelle sur la base d’un article du site Xinhuanet)

Gagnant-gagnant, vraiment ?

La réalité est que la Chine resserre son emprise sur l’ensemble de la zone latino-américaine et caribéenne, via des prêts notamment.

« Les engagements de prêts de la Chine aux gouvernements de l’Amérique latine et de la Caraïbe pour la période 2005-2016 font un total de plus de 141 milliards de dollars américains », selon le document récemment publié par l’ECLAC, portant sur « les nouveaux espaces de coopération entre l’Amérique latine, la Caraïbe et la Chine ».

Par ailleurs, « en plus des prêts et des lignes de crédit, le financement chinois dans la région fait un usage intensif d’un instrument innovant par lequel les prêts sont prolongés en échange de pétrole, et ces transactions ‘prêt-pétrole’ représentent environ 50% du total du financement. Grâce à ce mécanisme, les banques chinoises s’assurent que leurs prêts sont remboursés sous forme d’envois de pétrole ».

Edifiant, non ? Il y a d’autres paramètres à prendre en compte, comme le fait que certains syndicats en Jamaïque ont reproché aux entreprises chinoises d’avoir recours à de la main d’oeuvre qu’elles avaient fait venir de Chine au lieu d’employer des locaux.

Je m’arrête là sur cette question, car il s’agissait non pas d’y répondre de manière complète mais de vous présenter différents axes de réflexion sur la question de départ qui, je vous rappelle, était « la Chine resserrera-t-elle encore plus sa toile ? » La réponse m’apparaît évidente, d’autant plus que les Etats-Unis de Trump sont perçus pour le moins négativement par nombre de territoires de la région. 

Comments

  1. Mylène

    Un commentaire de Yasmyn sur Facebook : « En voyage au Costa Rica j’étais très étonnée de voir une célébration publique de la communauté chinoise. Je ne m’attendais pas à la voir aussi nombreuse… Puis on m’a expliquée qu’ils sont devenus de gros investisseurs – contre le gré des locaux. Des stades, des routes, des rénovations d’infrastructure sont financés par la Chine avec des conditions qui laissent à désirer… »

  2. Pingback: Grande Caraïbe : une présence de plus en plus marquée de la Chine en 3 projets majeurs

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